Alors que de vifs débats agitent la société marocaine au sujet de la place qu’occupe la langue française au Maroc, et que la thématique de la décolonisation se réfléchit sous le prisme de la culture, de l’histoire, de la mode ou encore de la justice, on choisit de se pencher aujourd’hui sur une tradition que l’on perpétue au Maroc sans trop se poser de questions quant à sa signification: la fête des mères.
Ainsi donc, aujourd’hui dimanche 4 juin, au Maroc, nous célébrons la fête des mères à coups de messages chaleureux, de colliers de pâtes, de poésies et de dessins tracés au feutre et comme le veut la tradition marketing, d’offres promotionnelles. Pourquoi aujourd’hui? Pourquoi pas le deuxième dimanche de mai, comme dans la plupart des pays à l’instar du Canada, de la Belgique, de l’Allemagne, de la Nouvelle-Zélande, des Etats-Unis?
Pourquoi pas le 21 mars, comme la plupart des pays arabes qui suivirent l’exemple de l’Egypte qui célèbre cette fête depuis 1956?
Parce qu’au Maroc, comme en Algérie, nous suivons le calendrier français qui veut qu’on célèbre la fête des mères le dernier dimanche de mai. Sauf dans le cas exceptionnel dans lequel nous nous trouvons présentement, où la Pentecôte coïncidant avec le dernier dimanche de mai, la fête des mères est alors célébrée le premier dimanche de juin. En célébrant cette fête, à cette date précise, on se conforme donc au calendrier chrétien, car le jour de la fête des mères est calculé en fonction du jour de la Pentecôte.
Sans le savoir, on applique aussi une décision du maréchal Pétain qui institua définitivement la «Journée nationale des mères», dès le 25 mai 1941. Mais avant toute chose, on perpétue en fait une ancienne tradition égyptienne qui voulait que l’on célèbre Isis, déesse considérée comme la mère des Pharaons et de l’Egypte.
C’est cette même tradition qui sera reprise quelques siècles plus tard dans la Grèce antique, où l’on célèbrera aux ides de mars, vers le 15 du mois, la déesse Rhéa, considérée comme la mère de tous les dieux. Puis, ce sera au tour des Romains d’adopter le culte de la magna mater en célébrant les matronales, aux alentours du 1er mars.
La fête des mères, une fête païenne institutionnalisée en France par le Régime de Vichy et fêtée dans un pays arabo-musulman, l’idée, si elle choquera tant les conservateurs que les wokistes, prête à sourire. Des traditions païennes aux religions monothéistes, la célébration de la maternité toute puissante et le respect attribué à la figure maternelle est un symbole qui devrait prêter à réfléchir dans des sociétés devenues majoritairement patriarcales où les femmes peinent encore à trouver leur place.
Enfin, cette fête illustre par-dessus tout, la multitude de strates qui composent notre histoire, qui font que nous sommes la somme d’un tout, dont découle notre référentiel commun. Elle témoigne enfin et surtout de notre méconnaissance de notre histoire, cette même méconnaissance qui veut que l’on s’indigne, au nom de l’islam, du débat sur les libertés individuelles alors que la plupart des lois sur les mœurs qui peuplent notre code pénal sont des lois coloniales tout droit tirées du Code Napoléon.