Elle menaçait ruine. C’est ainsi que le wali de Rabat a justifié la démolition en cours du célèbre café maure, ou le café des Oudayas, et sa vue imprenable sur le Bouregreg.
Cette explication, écrit le quotidien Al Massae dans son édition du vendredi 17 juillet, est intervenue lors de la rencontre organisée mardi dernier par les Associations Ribat Al-Fath pour le développement durable et Rabat Mémoire en présence du wali de la région de Rabat, Mohamed Yacoubi, et d'un représentant du ministère de la Culture.
«Une réunion suite à laquelle un communiqué a été publié mais n’a pas convaincu», indique Al Massae. «L’argument de la menace de tomber en ruine ne tient pas dans la mesure où les lieux n’ont pas été restaurés mais effacés… Même s’il va être reconstruit, il ne retrouvera plus sa valeur historique et son identité d’avant», lit-on.
Pendant ce temps, une question écrite a été adressée au Parlement au ministre de la Culture, de la jeunesse et des sports sur ce dossier, rappelant que ce café fait partie partie intégrante du patrimoine de la ville et qu’il est considéré, avec toute la kasbah des Oudayas qui l’abrite, comme patrimoine universel de l’humanité. La question interpelle également la tutelle sur la partie ayant autorisé cette démolition et si cet acte a été validé par l’inspection des bâtiments historiques.
Dans le communiqué précité, les deux associations expliquent que l’intervention sur le café maure s’intègre dans un projet global de mise en valeur de la kasbah. "L'opinion publique a été récemment alarmée par l'annonce du projet de restauration de ce café, l’un des symboles du patrimoine culturel de la ville de Rabat classée au titre du patrimoine mondial", ont-elles souligné.
Ce projet vise à favoriser le retour aux véritables composantes structurelles et architecturales originelles du lieu, telles qu'attestées par différents travaux et supports photographiques d’époque et préalablement recommandées par l’étude d’impact patrimonial – EIP - établie en la circonstance.
«Sur le plan structurel, cet espace emblématique souffre de graves problèmes dus à des ajouts hors norme constituant aujourd’hui des vices cachés tels que l'érosion des sols d’assises du café, la fragilisation des contreforts, la corrosion des aciers des dalles en béton armé, l'infestation et la dégradation des poutres en bois soutenant les banquettes en encorbellement sur falaise et l'absence de fondations des poteaux de la structure en béton armé, expliquent les deux parties», lit-on dans le communiqué.
Ces constats, soumis en séance aux deux associations, relèvent des diagnostics établis par le laboratoire, le bureau d’étude spécialisé et l’architecte, note le communiqué, ajoutant qu'à terme, cette situation met en péril la stabilité de ce lieu à haute fréquentation publique et touristique.
Sur le plan architectural, les deux associations assurent que le projet de restauration préservera l’identité immuable et originelle du lieu, ajoutant que cette option stratégique prendra le soin d’évacuer tout ajout ou appendice ayant, de fait, porté atteinte à l’intégrité architecturale historique de ce lieu de mémoire.
Dans ce sens, les deux parties ont convenu deux dispositions, à savoir la concertation préalable future avec l’ensemble des acteurs concernés par le patrimoine, dont la société civile. Cette communication permettra d’éviter à l'avenir tout problème entravant l'adhésion collective aux projets de cette nature, tout en renforçant leur légitimité.
Concernant la deuxième disposition, elle porte sur la création de commissions de suivi de la réalisation de l’ensemble des projets sensibles impactant l’image et la mémoire de la ville de Rabat, poursuit la même source.
Et de conclure que la destinée du projet de restauration du café offre à la collectivité œuvrant au service du patrimoine culturel l’opportunité d'ouvrir une nouvelle page pour une gestion partagée des questions du patrimoine.