Déclaration de patrimoine: les élus se rebiffent à Marrakech

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Revue de presseKiosque360. Les dirigeants de l’Association marocaine pour la protection des biens publics dressent un bilan négatif de la déclaration de patrimoine des élus de Marrakech. Ces derniers profitent de l’insuffisance des magistrats de la cour des comptes pour commettre des crimes financiers.

Le 08/02/2019 à 23h17

L’Association marocaine pour la protection des biens publics (AMPBP) révèle que les élus assujettis à la déclaration de patrimoine rechignent à s’acquitter de cette obligation. Seules 334 personnes sur les 1203 listées par la cour régionale des comptes de Marrakech ont déclaré leur patrimoine soit à peine 27,76%. Les fonctionnaires ont été plus disciplinés puisque 17 427 personnes sur un total de 19 151 ont déclaré leurs biens, soit 91%.

Au cours d’une conférence de presse, tenue mercredi dernier à Marrakech, le président de l’AMPBP, Mohamed El Ghalloussi, regrette que la loi ne soit pas appliquée dans son intégralité contre les réfractaires. Il affirme que la loi 54/06 relative à la déclaration obligatoire de patrimoine ainsi que le décret du 8 décembre 2009 sanctionnent les récalcitrants par la seule révocation et une amende entre 3000 et 15 000 dirhams. Ces sanctions vident la loi de toute sa substance, sachant que le refus de déclaration est considéré comme un crime par le code pénal. Il est puni par des peines de prison alors que le maximum de la sanction dans ladite loi ne dépasse pas la révocation et une amende maximum de 15 000 dirhams.

El Ghalloussi affirme que la loi relative à la déclaration de patrimoine s’applique à l’élu et au fonctionnaire et à leurs enfants mineurs mais exclut les enfants majeurs, les ascendants et les descendants. Des lacunes, ajoute l’avocat, qui affaiblissent la loi et ouvrent la porte à des manipulations des biens privés dont la propriété pourrait être transférée de l’intéressé à ses enfants majeurs ou à ses ascendants et ses descendants.

Le quotidien Al Massae rapporte dans son édition du samedi 9 février, que le président de AMPBP a fait état du nombre restreint de juges et cadres relevant de la cour régionale des comptes de Marrakech. Ils sont à peine 25 magistrats, précise-t-il, à s’occuper du contrôle, de l’audit et de l’élaboration des rapports. Un circuit qui commence avec la réception des déclarations de biens dont il faut contrôler la validité des données pour les auditer après la fin de la mission de l’élu et du fonctionnaire. Sans oublier, ajoute l’intervenant, que les juges de la cour des comptes assument d’autres missions de contrôle au sein des communes et des établissements publics. Du coup, El Ghalloussi déduit que la loi est mort-née et que la faiblesse de l’indépendance des cours de comptes résulte de la carence des moyens financiers, humains et logistiques de ces juridictions.

Le président de l’AMPBP a pris l’exemple du marché des fruits et légumes construit au cours du mandat du maire, Omar Jazouli, pour étayer son argumentaire. Il a affirmé que 39 magasins ont été réservés aux commerçants de la banane mais après leurs protestations et l’intervention de la wilaya de l’époque, ils ont été démolis. Ce qui est étonnant, précise El Ghalloussi, c’est que ces magasins ne figurent ni dans le cahier des charges, ni dans le document technique du marché qui a été adjugé. El Ghalloussi estime que le coût de la construction et de la démolition a atteint le montant de 1 400 000 dirhams. Une perte qui s’ajoute à celle du coût total de ce marché qui est estimée à 110 millions de dirhams alors que le journal Al Massae juge qu’il ne dépasse pas 20 millions de dirhams. Les responsables de l’AMPBP ont relevé, par ailleurs, de graves carences dans l’exploitation des carrières de sable et la nonchalance des communes dans le recouvrement des impôts ainsi que le non respect des cahiers de charges.

Les dirigeants de l’AMPBP ont par la suite évoqué les jugements d’acquittement et la nonchalance dans le traitement des dossiers de corruption et la dilapidation des deniers publics. Ils considèrent comme des signaux négatifs les retards pris dans les enquêtes de certains dossiers et le prononcé des acquittements dans d’autres. Le fait, ajoutent-ils, que les tribunaux ne prononcent pas de jugements dissuasifs dans des affaires de crimes financiers tout en ne récupérant pas l’argent dilapidé, dénote la puissance du lobby de la corruption. Un lobby qui s’oppose aux lois et aux mécanismes institutionnels pour les empêcher d’assumer leurs missions de moralisation de la vie publique et de lutte contre la corruption.

Par Hassan Benadad
Le 08/02/2019 à 23h17