Parmi les nouvelles nominations aux postes d’ambassadeurs, le roi Mohammed VI a choisi Samira Sitail pour représenter le Maroc en France. Un choix qui surprend par son caractère inédit à bien des niveaux et qu’on applaudit à tout rompre.
Samira Sitaïl est la première femme à occuper le poste d’ambassadeur du Maroc en France et, sans verser dans un féminisme primaire, on ne peut que se réjouir de cette grande première. Au-delà du Maroc qu’elle représente, cette nouvelle ambassadrice incarne aussi plus largement une image du monde arabo-musulman qui tranche catégoriquement avec ce qu’en donne à voir depuis bien trop longtemps une certaine presse en France, laquelle résume nos sociétés à l’immigration clandestine, le terrorisme et l’intégrisme religieux, et qui prend un malin plaisir à tendre un peu trop souvent le micro à l’imam Chalghoumi, personnage caricatural et risible qui humilie le monde arabo-musulman à chacune de ses prises de parole. Cette nouvelle ambassadrice marocaine est l’image d’un pays riche de sa pluralité culturelle, ouvert sur le monde et qui associe les femmes à son développement, bien loin des stéréotypes que l’on accole volontiers à nos sociétés, et aux femmes musulmanes que l’on résume uniquement au voile qu’elles portent ou ne portent pas.
Son parcours contraste lui aussi avec le profil de ses prédécesseurs, elle qui a fait ses armes en tant que journaliste avant d’occuper le poste de directrice des rédactions de 2M. Une femme de médias à la tête de l’ambassade du Maroc, dans un pays où le Maroc est devenu un sujet quasi obsessionnel depuis quelques mois, voilà une nomination qui a le mérite de tomber à point nommé après plusieurs mois de vacance de ce poste.
Enfin, autre originalité de ce profil, sa double nationalité, car Samira Sitaïl est née en France, où elle a grandi avant de s’établir au Maroc et d’y mener une très belle carrière professionnelle. N’en déplaise à ceux qui souhaitent que les binationaux soient écartés de la vie politique en raison de leur présumée «allégeance» à deux pays, cette double culture est une richesse et un atout dont le Maroc aurait tort de se priver, que ce soit à l’intérieur du pays ou sous d’autres cieux.
Nul doute que notre nouvelle ambassadrice, avec la poigne et le franc-parler qu’on lui connaît, saura représenter le Maroc comme il se doit. Elle nous en a d’ailleurs donné un délicieux avant-goût sur les plateaux télévisés français, au lendemain du séisme du 8 septembre, lorsque la presse hexagonale a choisi de mener une cabale contre un pays fragilisé, sous prétexte qu’il n’a pas répondu à l’offre d’aide de la France.
Sa connaissance parfaite des médias, sa maîtrise de cet exercice compliqué qui consiste à prendre la parole, la garder et aller au bout de son idée dans le cadre d’un débat ou interview ouvertement hostile, mais aussi sa double culture qui lui assure une parfaite connaissance de deux pays et de deux points de vue, nous font mesurer l’importance de profils de ce type pour nous représenter à l’international.
Dans un autre style, tout aussi convaincant, l’animateur et cardiologue égyptien Bassem Youssef, invité du Talk show Piers Morgan Uncensored, diffusé sur la chaîne britannique TalkTV, a lui aussi pulvérisé l’audimat en livrant un brillant plaidoyer en faveur de la Palestine. Dans un style qui tranche avec celui des politiques, maniant le cynisme et l’humour comme des armes affûtées pour mieux présenter un point de vue que la presse occidentale ne veut pas entendre, Bassem Youssef a su mettre sa connaissance des médias, sa longue pratique des plateaux télévisés et sa fine connaissance du monde arabe et occidental au profit d’une cause noble.
En quatre jours à peine, la vidéo de cette émission totalise plus de 17 millions de vues, et les extraits de son débat d’une demi-heure avec Piers Morgan totalisent un nombre inquantifiable de partages sur les réseaux sociaux.
Ce type de personnalités, dont les profils ne rentrent dans aucune case, qui tranchent de surcroît avec la caricature du journaliste arabe à la solde du pouvoir à laquelle on se plaît à le réduire, sont une véritable bouffée d’air frais dans un paysage politico-médiatique international qui ne parvient plus à convaincre tant le pluralisme des avis et l’objectivité sont aux abonnés absents.
Des porte-voix de ce type, on en redemande. Car aujourd’hui plus que jamais, alors que la communication se fait et est faite par les réseaux sociaux, il est primordial de rompre avec les vieilles méthodes pour épouser de nouvelles façons de faire et de communiquer.