Business modèle, profits, astuces: comment les influenceurs gagnent de l’argent au Maroc

Une jeune femme capturant une vidéo à l'aide de son téléphone. (Photo d'illustration)

Les influenceurs marocains ont transformé leur passion en véritable métier, mais derrière les posts Instagram et les vidéos YouTube se cache un modèle économique complexe. Entre collaborations avec les marques, monétisation des plateformes et diversification des revenus, ces créateurs de contenu naviguent dans un écosystème en pleine mutation. Décryptage.

Le 18/03/2025 à 09h37

Avec l’essor des réseaux sociaux, les youtubeurs et influenceurs marocains sont devenus des acteurs incontournables du paysage digital. Leur capacité à fédérer des communautés et à influencer les comportements d’achat a attiré l’attention des marques, faisant de leur activité une source de revenus potentiellement lucrative. Cependant, ce modèle économique repose sur une multitude de sources de revenus et cette économie florissante n’est pas sans défis. Pour mieux comprendre ce phénomène, nous avons sollicité l’expertise de deux spécialistes: Meriam Bessa, l’entrepreneure marocaine derrière la famille d’influenceurs virtuels Layli, elle est spécialisée dans le digital, l’influence marketing et l’Intelligence artificielle (IA) et Marouane Harmach, expert dans les domaines de la communication digitale, de l’IA et des technologies émergentes.

Les créateurs de contenu marocains monétisent leurs activités principalement à travers les collaborations avec les marques, qui restent leur principale source de revenus. En échange de contenus promotionnels sur leurs plateformes, «ils perçoivent une rémunération en fonction de leur audience et de leur engagement», explique Meriam Bessa. Ces partenariats peuvent prendre la forme de posts sponsorisés, de vidéos ou de stories sur Instagram, où les influenceurs mettent en avant des produits ou services.

Outre les collaborations, les plateformes comme YouTube offrent des opportunités de monétisation via la publicité. «Les créateurs perçoivent des revenus via les publicités diffusées avant ou pendant leurs vidéos», précise de son côté Marouane Harmach. Cependant, cette source de revenus est limitée, car elle dépend du pouvoir d’achat des spectateurs et de leurs engagements vis-à-vis des publicités. On parle alors d’un revenu de Coût par mille (CPM), soit le coût payé par un annonceur pour 1.000 impressions d’une publicité, qui est plus faible au Maroc qu’en Europe ou aux États-Unis: «Les annonceurs ciblent des publics spécifiques et ajustent leurs budgets publicitaires en fonction du pouvoir d’achat et de l’intérêt des consommateurs dans chaque région

Une troisième source de revenus en plein essor est l’affiliation, où les influenceurs touchent des commissions sur les ventes générées via leurs liens de recommandation. D’autres créateurs «diversifient leurs revenus en lançant leurs propres marques», souligne Meriam Bessa, que ce soit dans la mode, les cosmétiques ou les formations en ligne. Ces influenceurs «exploitent ainsi leur notoriété pour développer des activités entrepreneuriales parallèles».

Une armée de 60.000 influenceurs

Malgré ces opportunités, les créateurs de contenu marocains font face à plusieurs défis. «Les plateformes modifient régulièrement leurs algorithmes, ce qui peut réduire la visibilité des contenus et impacter les revenus des créateurs», explique l’entrepreneure digitale. Cette instabilité rend difficile la planification à long terme et oblige les influenceurs à s’adapter en permanence.

Un autre enjeu majeur est le manque de monétisation locale. Ce qui distingue les influenceurs marocains qui opèrent depuis l’étranger de ceux qui sont installés au Maroc. «Certaines fonctionnalités de monétisation ne sont pas disponibles au Maroc, forçant les créateurs à dépendre uniquement des collaborations avec les marques», note Meriam Bessa. Par exemple, le programme Creator fund de TikTok, qui permet aux créateurs de toucher des revenus supplémentaires, n’est pas accessible au Maroc. «TikTok déploie souvent ses programmes en priorité dans les pays où son audience est plus large et où les revenus publicitaires sont élevés», relève Marouane Harmach.


La saturation du marché est également un problème croissant. «Avec l’augmentation du nombre d’influenceurs, il devient plus difficile de se démarquer et d’attirer l’attention des marques», souligne-t-il. En effet, le nombre d’influenceurs au Maroc est passé de 1.400 en 2018 à environ 60.000 en 2022, selon ses estimations de l’expert.

La régulation fiscale, un terrain en friche

La régulation fiscale, elle, reste un sujet épineux. «Les revenus des créateurs de contenu au Maroc ne sont pas toujours clairement encadrés sur le plan fiscal», explique Meriam Bessa. Cependant, les autorités marocaines ont décidé de renforcer le contrôle sur ces revenus. «Dès 2025, leurs revenus sont imposés à hauteur de 30% selon le nouveau projet de loi de finances», précise Marouane Harmach.

Pour structurer le secteur et garantir une taxation équitable, des réformes fiscales sont nécessaires. «L’instauration d’un statut officiel dédié aux influenceurs permettrait d’adapter l’imposition à la réalité de leurs revenus», suggère l’entrepreneure. Elle propose également de s’inspirer de modèles internationaux, comme celui de Dubaï, où le Creator HQ offre un cadre propice à la professionnalisation des créateurs de contenu.

Ces créateurs de contenu sont-ils pionniers d’une nouvelle économie digitale au Maroc, plus en phase avec le monde que promet le monde de demain? Sans doute. Mais si le modèle économique offre de belles opportunités, il a besoin d’un meilleur coup de pouce pour s’élancer.

Par Camilia Serraj
Le 18/03/2025 à 09h37

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