Avril dernier, un fast-food à Marrakech. Vingt-six hospitalisations et six décès. Quatre ans de prison ferme pour le propriétaire et ses deux assistants.
Juin, à Tiznit. Trente-six personnes sont intoxiquées par des sandwichs: les autorités ont saisi une importante quantité de viande avariée. Après fermeture du snack incriminé, la licence a été retirée au propriétaire qui doit être jugé.
Juillet, à Martil. Un fast-food. Vingt-sept personnes hospitalisées.
En été, la consommation d’aliments hors domicile prospère: vacances, plages, promenades jour et nuit. Les gens mangent dans les restaurants et grignotent dans la rue, surtout les enfants et les jeunes.
Nos habitudes alimentaires ont beaucoup changé. La consommation hors domicile devient très importante. D’abord par facilité: les femmes ont plus de charges hors du foyer. Ensuite, le marché de l’alimentaire propose des produits qui attirent les enfants et les jeunes et les éloignent de notre cuisine traditionnelle équilibrée.
Plus les sociétés sont développées, plus la consommation des aliments industrialisés et des fast-foods est intense. Le phénomène s’est développé au Maroc depuis la crise du Covid-19, surtout avec la facilité de se faire livrer.
En Occident, les médecins et nutritionnistes tirent la sonnette d’alarme sur les méfaits de la malbouffe. Les produits ne sont pas toujours naturels ni sains et contiennent des additifs chimiques dangereux. Beaucoup de maladies se sont développées: obésité, diabètes, hypertension, cancer… Les produits bio, pas toujours bio, excellent en matière d’arnaque.
Des campagnes de sensibilisation conseillent de manger sain: légumes, fruits, aliments non transformés, non industrialisés, sans graisses saturées, sans colorants, sans sucre ajouté… Il suffit de lire les composants d’un produit, ne serait-ce que le pain de mie acheté en grande surface, pour être effaré!
Au Maroc, nous avions des repas équilibrés, grâce à notre terroir si riche en fruits, crudités, légumes… On déconseillait maklate azzanka (cuisine de la rue). Aujourd’hui, c’est la malbouffe même, et surtout, chez les plus démunis.
Les publicités influencent les enfants et les jeunes qui imposent à leurs parents une consommation déconseillée, voire dangereuse: fast-food, biscuits, boissons…
Des sachets de nouilles instantanées sont vendus à 2 DH par les épiciers et les marchands ambulants, chauffés toute la journée sur des trottoirs et dans les souks. On les trempe dans de l’eau chaude et on les mange. Ils sont vendus sans contrôle, sans date de péremption.
La législation marocaine est stricte pour toute ouverture de restaurant, pour assurer la santé, la sécurité et l’hygiène alimentaire: licence d’exploitation, permis d’hygiène alimentaire, sécurité incendie…
L’architecture et l’agencement du restaurant doivent respecter des normes de sécurité pour assurer celle du personnel et des clients: ventilation, évacuation des déchets, blocs sanitaires, plomberie, électricité...
Il y a des règles de sécurité alimentaire: propreté de la cuisine et des employés, chaîne de froid, température, manipulation et stockage des aliments…
Plusieurs commissions doivent donner leur autorisation. Une fois opérationnel, le restaurant est soumis à des inspections par les autorités de contrôle de l’hygiène alimentaire. L’Office National de la sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) est un organisme public qui veille à la protection de la santé du consommateur et à la préservation de la santé des animaux et des végétaux.
La non-conformité au règlement peut entraîner la fermeture du commerce. Mais pourquoi, dans les villages et les quartiers populaires, ces normes ne sont-elles pas toujours respectées? Des snacks fonctionnent sans autorisation, sans eau courante ni électricité !
Selon le Bulletin d’épidémiologie et de santé publique du ministère de la Santé daté de mai 2022, 20 à 25% des établissements alimentaires de restauration et de vente au détail contrôlés par les services de santé étaient des établissements à risque.
Les contrôles ne sont pas réguliers. Des produits sans traçabilité, périmés, importés illégalement sont servis aux clients. Les huiles de friture ne sont pas toujours saines. Encore plus dangereux, les aliments vendus par les marchands ambulants, sans contrôle de fabrication, exposés toute la journée au soleil et à la poussière.
Le plus curieux c’est que parfois des communes délivrent à des marchands de grillades et autres aliments des autorisations de s’installer dans la rue ou au bord des plages. Est-il normal que des élus torpillent les efforts de l’État qui lutte contre l’informel et l’insalubrité?
La sécheresse et la précarité chez les jeunes ruraux les poussent vers les villes. Non qualifiés, ils deviennent marchands ambulants de divers produits y compris alimentaires. Il en est de même des jeunes citadins chômeurs. Ils gonflent le secteur économique informel qui échappe à tout contrôle.
Les consommateurs cherchent à manger à bas prix. Ils ne se posent pas de questions quand ils achètent un sandwich farci de viande hachée à 10 DH, alors que cette viande coûte 100 DH le kg!
Les produits chimiques sont un réel danger et peuvent être contenus même dans les fruits et légumes. Juillet 2023, l’hôpital de Sidi Bennour a reçu 60 personnes intoxiquées par des fruits de saison. Les pesticides sont une source d’intoxication. L’État peine à réguler la vente informelle de pesticides interdits.
Les épiciers placent leurs glacières, contenant des glaces, sur les trottoirs, face au soleil, ainsi que les bouteilles d’eau en plastique. Est-ce réglementaire?
Les chiffres officiels des intoxications sont inférieurs à la réalité. Tous les cas ne vont pas aux hôpitaux. Aux consommateurs de rester vigilants. Aux autorités sanitaires de renforcer davantage les contrôles et les sanctions.