Après le séisme, la réplique du PJD

Zineb Ibnouzahir.

ChroniqueNon content de parler au nom d’un peuple qu’il ne représente pas, Abdelilah Benkirane s’est permis de s’arroger un rôle d’interprète du divin, faisant écho, sans le vouloir assurément, à la voix oraculaire de la célèbre Pythie de Delphes. Mais contrairement à cette grande prêtresse d’Apollon, personne n’a consulté Benkirane pour qu’il dispense sa sagesse.

Le 01/10/2023 à 12h04

Abdelilah Benkirane, notre ancien (et pas regretté du tout) chef du gouvernement, s’est rappelé cette semaine à notre bon souvenir. Aux nostalgiques du «c’était mieux avant», le chef du PJD a effectué une piqûre de rappel qui, faut-il l’espérer, vaccinera les Marocains, une bonne fois pour toutes, contre ce virus qui a tendance à vite proliférer et qui combine religiosité, ignorance, populisme et calculs politiques.

Ainsi donc, dans un communiqué concocté et signé par pas moins de dix-huit membres du parti de la Lampe, nous apprenons que le séisme qui a frappé le Maroc le 8 septembre est le résultat de nos péchés et de notre manque de foi, non pas en Dieu, mais en le PJD. Car, poursuit-on dans ce document qui restera dans les annales les plus obscures de l’histoire politique du Maroc, c’est au camouflet subi aux dernières élections législatives de 2021 par le PJD que nous devrions cette colère divine qui se serait abattue sur Al Haouz et aurait fait des milliers de victimes.

Non content de parler au nom d’un peuple qu’il ne représente pas, Abdelilah Benkirane s’est permis de s’arroger un rôle d’interprète du divin, faisant écho, sans le vouloir assurément, à la voix oraculaire de la célèbre Pythie de Delphes. Mais contrairement à cette grande prêtresse d’Apollon, personne n’a consulté Benkirane pour qu’il dispense sa sagesse.

Mais à vrai dire, passé le moment de surprise suscité par cette énième sortie médiatique intempestive, le temps est venu de remercier Abdelilah Benkirane & co. Merci d’être revenus au-devant de la scène en ce moment si particulier et de n’avoir pas hésité à instrumentaliser la religion au profit de calculs politiques, en écartant d’un revers de la main la solidarité qui aurait dû être de mise. Merci d’avoir fait preuve de si peu d’empathie à l’égard des victimes qui, en temps normal, disposent déjà de si peu, et malgré cela, cultivent une foi en Dieu que tous les membres du PJD réunis ne pourront jamais atteindre. Merci de nous avoir rappelé à quoi était due votre déculottée aux dernières élections, non pas au petit QI que vous associez à cette base électorale que vous dénigrez tellement, ni à une manipulation des urnes, mais bien à votre incompétence.

Merci donc au PJD d’avoir opté pour ce timing. En effet, la nature ayant horreur du vide, depuis quelque temps, le néant laissé derrière lui par le PJD depuis sa quasi-disparition des radars commençait à être rempli sur les réseaux sociaux par des voix, d’autant plus redoutables qu’elles sont anonymes, surgies d’un autre temps (voire d’un autre pays) pour, elles aussi, s’employer à décrypter la politique marocaine sous le prisme du divin.

Selon ces prophètes apocalyptiques qui prolifèrent dans l’ombre, le Maroc aurait subi ce tremblement de terre en raison de la reprise des relations diplomatiques avec Israël, Marrakech aurait été frappée par le séisme en raison de la débauche qui y règne ou encore, en raison de certaines réformes annoncées dans le cadre du Code de la famille et des libertés individuelles. Mariage des mineures, relations sexuelles hors mariage, droit de tutelle… autant de sujets de débat qui font crisser des dents les esprits rétrogrades assimilant liberté, justice et modernité, à perversion et occidentalisation des mœurs. Un point de vue épousé sans contrainte par Benkirane qui, pas plus tard que l’été dernier, nous resservait une louchée de sa soupe indigeste en déclarant: «Ils interdisent le mariage des mineures, mais autorisent les relations sexuelles hors mariage».

Benkirane, fervent adepte des réseaux sociaux qui lui servaient, il fut un temps, de vivier et de tribune politique, se serait-il inspiré de ces thèses rétrogrades et ignares pour faire son come-back, ou les alimenterait-il en coulisses? Dans un cas comme dans l’autre, ce ne serait pas la première fois pour un tribun démagogue qui manie l’art de dire aux gens ce qu’ils ont envie d’entendre.

Mais la nature faisant bien la chose, et les voies de Dieu étant impénétrables, cette réplique post-sismique du PJD, faute de secouer les Marocains, a été suivie d’un tsunami de désaccords au sein même du parti de la lampe. Désavoué par ses troupes, Benkirane a reçu en guise d’accusé de réception la démission de Abdelkader Amara, membre fondateur du PJD, et a essuyé les critiques d’autres éminents membres de son parti, dont Mohamed Yatim, Khalid Samadi, Abdelaziz Aftati et jusqu’à Saâd Dine El Otmani, ancien chef du gouvernement.

Toutefois, s’il est une réplique bien plus percutante que celle qu’a tenté de provoquer Benkirane, c’est bien celle de l’annonce du lancement du processus de révision du Code de la famille par le Roi Mohammed VI, dans un délai maximum de six mois. Il y a ceux qui avancent et construisent, et puis il y a les autres, qui tomberont dans les oubliettes de l’Histoire.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 01/10/2023 à 12h04