Laâyoune, le dimanche 15 septembre, veille de Aïd Al Mawlid, 15h00. Sur le boulevard Skikima, l’air s’emplit de vives discussions, de rires et du doux bruissement des étoffes qui flottent au gré de la brise saharienne. Ici, au cœur de la ville emblématique du sud du Maroc, se trouve un trésor bien particulier: les deraâs, ces longues tuniques traditionnelles sahraouies qui ont traversé les âges sans perdre une once de leur prestige.
Les étals croulent sous les rouleaux de tissus soyeux, souvent teints de bleu royal et de blanc immaculé. À cette heure de l’après-midi, les allées sont bondées. Les clients de tout âge affluent, seuls ou en famille, afin de choisir la parfaite deraâ pour les célébrations de Aïd Al Mawlid Annabaoui. «La deraâ reste un symbole identitaire profondément ancré dans la culture locale. Son port, loin d’être relégué au passé, est une manière pour les habitants de Laâyoune de préserver un lien avec leurs racines, même au milieu des transformations modernes», explique Al Bachir Taqi, directeur de production d’une coopérative spécialisée dans la confection et la vente de deraâs.
Vendue seule ou accompagnée d’accessoires, la deraâ se négocie à des prix variant entre 800 et 5.000 dirhams, principalement en fonction de la qualité du tissu, et indépendamment des broderies ou des coutures qui l’ornent, explique notre interlocuteur. Et les meilleurs tissus utilisés pour la confection de cet habit traditionnel sont des étoffes nobles portant des noms peu connus des profanes: «Gazner», «Miftah Al Khair», «Al Badaa» ou encore «Royal».
Contrairement à celles portées dans d’autres pays, comme la Libye ou le Sénégal, où elle prend des couleurs variées, la deraâ sahraouie se limite à des tons de blanc et de bleu (que les habitants appellent «Khdar» en dialecte hassani), deux couleurs qui reflètent une sobriété et une élégance propres aux traditions du Sahara marocain.
Lire aussi : Laâyoune: extension de Dar Deraâ, unité de fabrication de l’habit traditionnel hassani
À Laâyoune, l’attachement à la deraâ reste très prononcé. Lors de notre visite, plusieurs acheteurs nous ont confié que, bien que leur quotidien professionnel leur impose souvent des vêtements modernes, ils continuent de réserver la deraâ pour les moments les plus personnels, tels que les week-ends, les vacances ou les événements spéciaux. Pour eux, porter cette tenue est une manière de renouer avec leur culture, une fierté exprimée lors des fêtes et des réunions familiales.
«La semaine, au bureau, je porte des tenues plus modernes, mais le week-end, c’est toujours la deraâ», nous confie ce jeune entrepreneur, en choisissant un modèle finement brodé taillé dans du «Gazner». À ses côtés, un autre client inspecte attentivement les différentes étoffes, en quête de celle qui donnera naissance à «la bonne deraâ pour une fête de noces dans les prochains jours».