Affaire Bennis-Alj-Slaoui: la version des faits de la présumée victime

Le siège de la Direction régionale de la police judiciaire à Paris.

Le siège de la Direction régionale de la police judiciaire à Paris.

Du nouveau concernant la sombre affaire de viol d’une ressortissante française impliquant trois jeunes hommes issus de grandes familles du capitalisme marocain. Dans le PV de sa plainte déposée le 7 novembre dernier auprès de la police judiciaire de Paris, la présumée victime raconte sa version des faits. Le360 a eu accès au document. Verbatim.

Le 25/11/2024 à 19h09

L’affaire de l’agression sexuelle dont aurait été victime Sixtine F., une jeune juriste française, compagne de Mohamed Amine Naguib, responsable des commissions au sein de la CGEM, connaît un nouveau rebondissement. Aujourd’hui, on en sait un peu plus sur le contenu de la plainte déposée, le 7 novembre, par la victime au 3ème District de police judiciaire de Paris. Les propos de la plaignante, relatés de manière détaillée, donnent une nouvelle dimension à cette affaire sordide qui secoue les milieux casablancais.

L’affaire de viol remonte à une soirée donnée le samedi 2 novembre à Casablanca, dans le domicile de Kamil Bennis (principal suspect), fils de feu Ali Bennis, ancien PDG des laboratoires Laprophan. Kamil n’est autre que le cousin de Mohamed Amine Naguib, qui entretenait relation amoureuse et un projet de mariage avec la victime. M’hammed Alj, fils de Chakib Alj, patron de la CGEM et Saad Slaoui, lui aussi issu d’une grande famille d’hommes d’affaires, sont également accusés dans cette histoire. Sur ordre du juge d’instruction, les trois suspects ont été mis en détention provisoire samedi 23 novembre à la prison de Oukacha à Casablanca. De lourdes accusations ont été retenues à leur encontre: viol, séquestration et violence, coups et blessures, usage de stupéfiants.

Dans cette plainte, on apprend qu’une partie importante des souvenirs de Sixtine F. a été balayée par une amnésie causée par une consommation «involontaire» de drogues. «Je fais des crises de tétanie depuis cette soirée, j’ai de la chance d’être bien entourée et d’avoir vu une psychiatre extraordinaire. Par contre on voulait m’interner, mais je ne me sentais pas d’être coupée de mon entourage», déclare-t-elle. «J’ai très peur de Kamil Bennis, qui est d’ailleurs déjà visé par une plainte pour violences conjugales par son ex-compagne», ajoute celle-ci.

«À mon réveil, j’ai eu la même sensation que quand j’ai eu une anesthésie générale. J’étais habillée exactement comme je l’étais: mon body était clipsé et mon pantalon remonté. Je ne sentais rien, j’étais comme en dehors de mon corps», raconte-t-elle en détaillant qu’elle a commencé à sentir des douleurs et une vraie gêne au niveau de son appareil génital au moment du test urinaire pour la toxicologie, et que c’est là qu’elle a deviné ce qui lui est arrivé.

La conviction d’avoir été violée s’est imposée, selon la plaignante, après les analyses effectuées par le médecin de l’unité médico judiciaire à Paris (UMJ). «Le test gynécologique avait été vraiment douloureux. D’habitude, je ne ressens pas de douleurs lors des tests gynécologiques, car j’y suis habituée en raison de mon adénomyose. Je ne suis pas du tout douillette et je n’ai jamais eu de douleurs suite à un rapport sexuel», ajoute-t-elle dans sa plainte.

«Mon amie m’a expliqué qu’Amine l’a appelée la veille en détresse, et que quand il a voulu me récupérer, ils l’ont viré très violemment de la soirée», continue-t-elle. Selon son témoignage, son conjoint s’est retrouvé avec une fracture à la main et deux côtes cassées à l’issue de cette nuit-là.

«Plus tôt dans la soirée, je me suis disputée avec l’ex de mon compagnon, car je ne comprenais pas l’intérêt de sa présence. La possibilité qu’elle mette quelque chose dans mon verre m’a traversé l’esprit à ce moment-là, mais pas plus que ça», précise-t-elle.

«Je ne suis pas quelqu’un qui boit beaucoup. C’est rare que je sois dans un état d’ébriété. Cela m’est arrivé, mais ce n’est pas du tout habituel, et surtout depuis environ deux ans», affirme la victime assurant que lorsqu’elle consomme de l’alcool, elle ne fait jamais de black-out. «Je n’en avais jamais fait de ma vie», insiste-t-elle.

Selon ce qu’il lui a été rapporté de son comportement de la soirée, Sixtine F. dit avoir été très tactile avec d’autres hommes, dont Kamil Bennis, alors que ce n’est pas dans son habitude. Aussi, son comportement a «switché» vers de l’agressivité vers 6h du matin et c’est à partir de cette heure-ci que le viol a pu avoir lieu, selon ses dires.

«Je pense que mon comportement a changé en raison d’une prise de drogues. Toutes mes copines qui ont été au courant de cette histoire me disent que j’ai les symptômes du GHB (communément appelée drogue du violeur, NDLR): trou noir, désinhibition, réveil anesthésié, etc.», a mentionné la plaignante devant la police judiciaire de Paris.

«J’ai d’ailleurs insisté à recevoir un test GHB dans un laboratoire à Casablanca, mais ce n’est qu’à mon retour à Paris que j’ai découvert que ça n’a pas été fait et j’ignore la raison», indique la victime. «J’ai néanmoins été testée positive à la cocaïne, alors que je n’en avais pas consommé. Par contre, j’avoue avoir laissé mon verre sans surveillance à plusieurs reprises ce soir-là», ajoute-t-elle.

«Mon conjoint n’avait pas confiance du fait que je reste seule dans la villa, il a payé la nounou 300 euros pour me garder, ce qui est assez révélateur, je pense», révèle la jeune femme.

Questionnée sur Kamil Bennis lors de son PV, Sixtine F. le qualifie de «quelqu’un très à part, égocentrique et qui se donne beaucoup en spectacle». «Dans sa façon de se tenir, c’est très cliché, il se comporte comme s’il était dans un film à Miami», décrit-elle.

«J’avais conscience que ce n’était pas quelqu’un de tout à fait dans la norme, mais j’étais la femme de son cousin et je m’entendais plutôt bien avec lui. À l’inverse, je pense que je ne l’aurais pas du tout fréquenté s’il n’avait pas été de la famille à mon conjoint», renchérit-elle. Et de préciser qu’elle ne s’était jamais retrouvée seule à seule avec lui et qu’à chaque occasion Mohamed Amine Naguib était présent. «Kamil, lui, avait déjà dit d’ailleurs qu’il avait de la chance d’être tombé sur moi. Il avait dit qu’en ce qui le concerne, il n’était tombé que sur des «folles», et il avait même remercié mon conjoint, car je m’étais occupé de ses enfants une fois», ajoute-t-elle.

En revanche, Sixtine pense que Bennis n’aurait pas osé exprimer un quelconque intérêt sexuel pour elle, ni à elle ni à son conjoint, qui est son cousin. «Je n’ai pas été attentive à d’éventuels signes d’intérêt, comme des regards de sa part», mentionne-t-elle.

«Le samedi en question, je sais qu’il niait toute relation sexuelle. À partir du moment où j’ai fait le test de toxicologie, je ne savais même pas si c’était lui ou quelqu’un d’autre», reprend-elle. «En discutant avec mon amie et mon conjoint, qui m’a dit que le garde du corps avait affirmé que Kamil était dans la chambre avec moi, j’ai compris que c’était lui. En plus, ma meilleure amie l’a appelé, et lui a demandé s’il avait eu une relation sexuelle avec moi. Il a répondu à côté de la plaque, et a fini par dire que j’étais consentante», déclare-t-elle.

«Entre dimanche 3 et lundi 4 novembre, j’avais envie de me suicider», confie la jeune femme. Et d’ajouter que cela n’a pas tout à fait disparu, mais c’est présent par crises. «J’ai recherché sur internet quelle dose de tramadol pouvait être fatale, et mon amie l’a vu. Je voulais de moi-même aller aux urgences psychiatriques. J’ai envie de me réancrer dans la vie rapidement, de faire face à cette nouvelle vie avec le traitement adapté», explique-t-elle.

«J’attends que justice soit faite. Je veux qu’il paie pour son crime commis, au même titre que ce qu’il paierait s’il était en France. Je veux qu’on l’emprisonne, pour payer et pour ma propre sécurité», conclut la plaignante.

Par Ryme Bousfiha
Le 25/11/2024 à 19h09