«La situation s'est considérablement détériorée depuis mon dernier rapport». C'est sur ce ton de déception que le secrétaire général des Nations-Unies, Antonio Guterres, entame son dernier rapport sur le Sahara. Un document récemment transmis aux membres du Conseil de sécurité, qui devraient voter à la fin du mois courant une résolution particulièrement attendue au regard des évolutions inédites qu'a connues ce dossier.
C'est que la saison 2020-2021 a été riche en événements marquants, dont notamment l'intervention des Forces armées royales (FAR), du 13 novembre 2020, qui a permis de sécuriser le passage frontalier d'El Guerguerat et rétablir le trafic commercial et civil entre le Maroc et la Mauritanie. Le rapport soumis par Antonio Guterres récapitule d'ailleurs objectivement la chronologie et le déroulement de cette opération. Et c'est à peine s'il ne donne pas ouvertement raison au Royaume pour avoir répondu avec fermeté aux provocations du Polisario.
La sécurisation définitive d'El Guerguerat a été rendue possible grâce au renforcement du mur de défense marocain. Le rapport de l'ONU nous apprend que le Maroc a déposé 46 demandes d'approbation de travaux d'entretien et de construction de ce mur, dont plus de la moitié a été approuvée par la Minurso. «Avec la construction d'un nouveau mur de sable d'environ 20 km de long vers El Guerguerat, les FAR ont consolidé leur présence sur quelque 40 kilomètres carrés de terrain dans la zone tampon. Le tronçon de route qui était laissé non pavé en 2016 a depuis été amélioré», peut-on lire dans le document.
Mirage de guerreLe rapport récapitule par ailleurs les mouvements de troupes qui ont été signalés depuis cette intervention ainsi que les accrochages déclarés depuis que les séparatistes ont décrété la rupture du cessez-le-feu. Alors que le Polisario affirme que le Sahara est «une zone de guerre» et se vante d'infliger quotidiennement «des pertes matérielles et humaines» à l'armée marocaine, le document onusien évoque «des hostilités de faible intensité avec des rapports réguliers au sujet de coups de feu tirés à travers le mur de défense».
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Il enfonce le clou en expliquant que ces escarmouches ont «diminué depuis janvier et sont principalement concentrés dans le nord du territoire, près de Mahbes». Un constat qui rend crédibles les déclarations des FAR auprès de la Minurso, signalant 1099 incidents impliquant des tirs à distance contre ses unités près du mur de défense, 22 tentatives d'intrusion, ainsi que 724 vols de reconnaissance de drones du Polisario, tout en soulignant que 88% de ces incidents sont constatés dans la région de Mahbes.
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Ni des dégâts matériels et encore moins des pertes humaines ne sont évoqués dans le document onusien. Même quand il parle de tirs de roquettes en direction d’El Guerguerat le 23 janvier, qui ont été confirmé par les deux parties, le rapport précise qu'«aucune victime n'a été signalée».
Casques bleus confinésCe mirage d'une guerre au Sahara que le Polisario cherche par tous les moyens à entretenir, la mission onusienne reconnait implicitement qu'elle ne peut le constater sur le terrain. Et pour cause, à l’est du mur de défense, les casques bleus sont soumis à des restrictions qui limitent de manière drastique leurs mouvements. Alors que dans nos Provinces du Sud, ils ont pu reprendre leurs patrouilles au sol et leurs vols de reconnaissance par hélicoptère jusqu'aux abords, quasiment, du mur de défense, de l'autre côté, les représentants de l'ONU n'ont pu faire décoler leurs hélicoptères tandis que les forces terrestres restent confinées dans un rayon de 20 km de leurs campements de base.
Ce n’est pas assez loin pour constater l'ampleur présumée des accrochages armés, mais c’est assez suffisant pour se rendre compte de visu de toute la misère qui règne dans les camps de Tindouf. «La situation socioéconomique, déjà fragile, s'est encore détériorée (…) La situation nutritionnelle globale est restée précaire», souligne le rapport, qui parle d'une «perte généralisée d'emplois et de revenus» dans ces camps de séquestration où «l'accès à la santé, à l'assainissement, à l'énergie et à la nourriture est une préoccupation urgente».
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Même pour le personnel de la Minurso, installé à l'est du mur, la vie tourne au calvaire à cause des restrictions de déplacement. «Aucun convoi terrestre de logistique n'a été autorisé depuis le 13 novembre 2020», signale le rapport, qui parle de difficultés dans la livraison de carburant, l'entretien des équipements et même le réapprovisionnement alimentaire. Le Secrétaire général de l'ONU explique que la Minurso a réduit le nombre d'observateurs militaires à l'est du mur de 30%, en raison de ces difficultés, et semble plus préoccupé par l'insécurité de la zone à cause des trafics que par les échanges de tirs avec les FAR. «Le personnel, les opérations et les biens de la Minurso sont restés vulnérables aux menaces liées au terrorisme et au crime organisé, en particulier dans la vaste zone désertique inhabitée à l'est du mur de défense», précise Antonio Guterres dans son rapport.
«Il est essentiel que le Polisario retire immédiatement toutes les restrictions à la libre circulation des convois terrestres de la Minurso, des moyens aériens et personnel à l'est du mur, et de permettre une libre circulation de la logistique et de la maintenance», exhorte Antonio Guterres dans ce document qui servira de référence à la prochaine résolution onusienne.
Blocage politiqueLe Secrétaire général de l'ONU relève, par ailleurs, l'urgence de la reprise du processus politique. «Aujourd'hui plus que jamais, il faut trouver un cadre politique juste, durable et mutuellement acceptable», estime-t-il, tout en appelant à la reprise du processus dès qu'un nouvel Envoyé Personnel aura été nommé. Il faut ici rappeler que depuis la remise de ce rapport préliminaire aux membres du Conseil de sécurité, l’Italo-suédois Staffan de Mistura a été nommé en tant qu’envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU au Sahara.
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Guterres estime néanmoins que le risque d'escalade est évident tant que les hostilités persistent. Il pointe, par ailleurs, la responsabilité des pays voisins qui ont «un rôle vital dans la recherche d'une solution au problème», en exprimant sa préoccupation de la détérioration des relations entre le Maroc et l'Algérie. «J'encourage les deux pays voisins à trouver une voie à suivre pour rétablir les relations, y compris à l'appui de la coopération régionale, à la paix et à la sécurité dans la région», déclare-t-il, en faisant référence à l'annonce du 24 août par l'Algérie de rompre unilatéralement ses relations diplomatiques avec le Royaume.
In fine, ce rapport préliminaire ne manque pas d'énumérer les 16 pays qui ont ouvert des consulats généraux à Laâyoune ou à Dakhla durant l'année écoulée. Il insiste aussi sur la proclamation du président américain, le 10 décembre, reconnaissant la «souveraineté marocaine sur l'ensemble du territoire du Sahara», tout en réaffirmant son «soutien à la proposition d'autonomie marocaine», la considérant comme «sérieuse, crédible et réaliste et seule base pour une solution juste et durable du différend».
Le développement continu des Provinces du Sud est également évoqué dans le document qui cite les chantiers stratégiques comme le port Dakhla Atlantique et la voie express reliant Tiznit à Dakhla, ou encore les nombreuses délégations diplomatiques qui se sont rendus à Laâyoune pour explorer les opportunités d'investissement. Une manière de signaler que nos Provinces du Sud sont en plein essor, que leurs habitants et les investissements sont bien protégés… Et que les Provinces du Sud poursuivent leur développement qui rend de fait irréaliste toute solution, en dehors de l’autonomie.