Dans une interview diffusée hier soir, samedi 4 juillet, par France24, Abdelmadjid Tebboune, dont le pays célèbre ce dimanche 5 juillet le 58e anniversaire de son indépendance, a, en plus de la situation intérieure difficile de son pays (le mouvement du Hirak, la chute des prix du pétrole, la pandémie de Covid-19 meurtrière, etc.), abordé les relations extérieures d’Alger avec la Libye, la France et le Maroc.
Concernant ces deux derniers pays, avec lesquelles l’Algérie n’a eu que des relations en dents de scie et le plus souvent très tendues depuis quasiment son indépendance en 1962, le président algérien a expliqué que les deux cas sont incomparables.
S’il a reconnu qu’avec la France les relations ont été très «compliquées», «passionnelles et passionnées» à cause d’un lourd héritage mémoriel, au contraire, avec «nos frères marocains, nous n’avons aucun problème. Non. Aucun problème. Et je le dis de la manière la plus officielle: nous n’avons aucun problème avec nos frères marocains».
Et même d’ajouter: «on est allé à l’insulte verbale, on nous prête des intentions. Chaque fait interne algérien est analysé à travers le prisme d’arrière-pensées. Nous n’avons aucune arrière-pensée. Nous n’avons aucun problème avec le peuple marocain, ni avec le roi du Maroc».
Ces mêmes propos ont été d’abord exprimés par le président algérien en réponse à une première question relative au tollé qu’a suscité à Alger le projet de construction d’une caserne militaire marocaine à quelques dizaines de kilomètres de la frontière avec l’Algérie.
«Jusqu'à présent, l’escalade était verbale, mais nous constatons que nos frères marocains passent à une autre forme d’escalade. J’espère que cela s’arrête{ra}. Nous souhaitons le plus grand bonheur et tout le développement au peuple marocain frère. Nous n’avons aucun problème avec les Marocains, mais ce sont nos frères marocains qui ont des problèmes avec nous.»
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L’heure est-elle donc à l’apaisement avec le Maroc à travers une levée de la fermeture des frontières entre les deux pays? Abdelmadjid Tebboune, et comme il l’avait fait à maintes reprises durant sa dernière campagne électorale, a accusé le Maroc d’avoir pris une décision «humiliante» pour l’Algérie en instaurant des visas. «Maintenant, si eux pensent qu’il faut prendre une initiative, elle sera la bienvenue. Je pense qu’ils peuvent prendre une initiative qui va clore ce dossier».
Et en quoi consisterait cette initiative attendue du Maroc? Une main tendue, comme l’a fait à maintes reprises le Maroc par la voix autorisée du chef de l’Etat?
Faut-il encore rappeler au président algérien que le roi Mohammed VI avait proposé, lors d’un discours le 6 novembre 2018, «la création d’un mécanisme politique conjoint de dialogue et de concertation» avec l’Algérie? Un geste fort, une proposition concrète, au cours d'un discours officiel, auxquels le régime algérien avait finalement opposé une fin de non-recevoir.
Qu’entend donc le président algérien par «initiative marocaine»? Pour le nouveau locataire du palais de la Mouradia, même s’il ne l’a pas clairement formulé lors de cette interview, «initiative marocaine» veut dire, comme il l’a exprimé lors des sorties qui ont précédé son élection, le fait de présenter des excuses à l’Algérie. Des excuses qu’il n’exige pas de la France, dont il a simplement déclaré «souhaiter» des excuses (ce mot plutôt soft lui a été soufflé par son interviewer) pour l’un des épisodes les plus noirs de l’histoire coloniale, à savoir le massacre de Sétif du 8 mai 1945.
Cette question sur les excuses de l’ancienne puissance colonisatrice a, au demeurant, mis très mal à l’aise le président algérien qui dit n’avoir aucune animosité, ni haine contre la France, surtout que, se faisant dithyrambique, il a estimé que Emmanuel Macron était un homme «sincère», «honnête» et historiquement «propre», «contrairement aux autres{présidents français, Ndlr}» , et avec lequel il déclare pouvoir travailler.
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D’autre part, Abdelmadjid Tebboune a donné l’impression d’être un homme qui n’a pas les coudées franches au pouvoir. Surpris par la question de savoir s’il était vrai que l’Algérie s'apprêtait à construire deux bases militaires à la frontière avec le Maroc, celui qui est censé être le chef suprême des forces armées et, de surcroît, le ministre de la Défense de son pays a sèchement répondu: «je ne peux ni confirmer, ni infirmer». En tout cas, il s’est montré rassurant en affirmant qu’un risque de guerre entre le Maroc et l’Algérie était totalement écarté, car «la sagesse a toujours prévalu entre les deux pays», a-t-il estimé.
Tout au long de cette interview télévisée, le président algérien n’a pas cité une seule fois le Sahara ou les séparatistes du Polisario, hébergés, financés et armés par l’Algérie, alors qu’il a répété à quatre reprises l’expression «nos frères marocains». Le président algérien ne convainc donc personne quand il dit que l’Algérie n’a pas de problème avec le Maroc. Ses paroles sont tout simplement aux antipodes de ses actes, et l’action du régime qu'il préside est totalement orientée contre le Maroc. Pour s’en convaincre, il suffit juste de rappeler que la première cause de la diplomatie et des médias officiels algériens est de contrer la pourtant légitime intégrité territoriale du Royaume.