Le ministère de l’Intérieur a décidé de suspendre le président du conseil provincial de Sidi Kacem, le président du conseil communal et deux de ses adjoints de leurs fonctions électives, à la suite du renvoi par le procureur du Royaume des dossiers de leur révocation devant le tribunal administratif de Rabat. La première audience dans cette affaire est prévue pour le 7 novembre prochain, indique le quotidien Al Akhbar dans son édition du vendredi 24 octobre.
Cette décision fait suite à la procédure de révocation engagée contre quatre élus locaux: le président du conseil provincial de Sidi Kacem, Benaïssa Benzroual, membre du Parti authenticité et modernité (PAM), le président du conseil communal, Abdelilah Ouaissa, affilié au Rassemblement national des indépendants (RNI), son deuxième adjoint, Fahd Ahmar Lakroun, du Parti du progrès et du socialisme (PPS) et la cinquième vice-présidente, Khnata Hajib, également du PAM.
Le ministère s’est appuyé sur les conclusions d’un rapport de l’Inspection générale de l’administration territoriale (IGAT), qui a mis au jour de graves irrégularités. Les responsables sont accusés d’avoir transformé un centre d’accueil et de formation pour jeunes, financé par des fonds publics et construit sur un terrain appartenant à l’État, en un hôtel privé accueillant des soirées de «cheikhates», écrit Al Akhbar. Ces faits, considérés comme des infractions aux lois et règlements en vigueur, ont conduit à la saisine du tribunal administratif en vertu de l’article 64 de la loi organique relative aux collectivités territoriales.
Cette décision intervient dans un contexte judiciaire déjà chargé. Huit personnes, dont les deux présidents susmentionnés, ont été placées sous contrôle judiciaire par la juge d’instruction chargée des crimes financiers à la Cour d’appel de Rabat. Leurs passeports ont été confisqués. Ils sont poursuivis pour détournement et dilapidation de fonds publics, falsification et usage de faux documents officiels, et construction illégale sur un bien appartenant à l’État. Parmi eux figurent également l’ancien parlementaire et ex-président de la région du Gharb, El Mekki Azizi (PAM), deux ingénieurs d’État impliqués dans la conception du centre, un administrateur du conseil provincial et un ancien employé de banque.
Le rapport de la Cour régionale des comptes de Rabat-Salé-Kénitra révèle que des autorisations d’activités économiques ont été accordées à des bâtiments construits sans les autorisations exigées par la loi sur l’urbanisme, rapporte Al Akhbar. Le président du conseil communal aurait délivré des certificats de conformité et d’exploitation commerciale en faveur de la société Banassa Center, qui gère le centre dans le cadre d’un contrat de location signé avec le conseil provincial le 2 février 2023. Deux autorisations d’exploitation ont été émises fin mai et fin juin 2023, et un arrêté du gouverneur de la province, daté du 24 novembre 2023, a même permis la vente de tabac au sein de cet établissement.
Ces autorisations ont été délivrées malgré la connaissance, par les responsables, de la situation illégale du projet et de la non-conformité des documents techniques. L’ingénieur architecte et le président du conseil communal auraient ainsi facilité l’obtention indue de décisions administratives permettant l’exploitation d’un bien public à des fins privées, en violation de la loi 12.90 sur l’urbanisme.
Le centre d’accueil et de formation continue de Sidi Kacem s’inscrivait initialement dans le cadre d’une convention de partenariat signée en décembre 2016 entre la wilaya de la région Rabat-Salé-Kénitra, la province de Sidi Kacem, le conseil régional et la délégation du ministère de la Solidarité. Financé dans le cadre de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH), le projet devait favoriser la formation, le développement social et la protection de l’enfance.
Le coût total des travaux et des équipements s’élève à plus de 15,8 millions de dirhams, financés par des fonds publics. Or, le rapport de la Cour régionale des comptes souligne que l’exploitation du centre en hôtel touristique est contraire à la vocation sociale prévue par la convention, et qu’aucune modification de cette dernière n’a jamais été actée.
Le centre a donc été détourné de son objectif initial, en contradiction avec les clauses du contrat de 2011 entre la Direction des domaines de l’État et l’Entraide nationale, qui stipulait clairement que le terrain devait être dédié à un établissement à vocation sociale et non commerciale.







