Séisme: le ministère algérien des Affaires étrangères alimente dans un communiqué kafkaïen le feuilleton de l’envoi des aides humanitaires

Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf.

Ce mardi 12 décembre, le ministère algérien des Affaires étrangères s’est fendu d’un communiqué au ton martial pour commenter une prétendue décision marocaine d’opposer une fin de non-recevoir à l’envoi de trois avions transportant des aides humanitaires. Si l’intention est louable, la méthode consistant à mettre la charrue avant les bœufs n’a pas encore fait ses preuves.

Le 12/09/2023 à 19h22

«Le Gouvernement algérien prend acte de la réponse officielle du Maroc qui a déclaré n’avoir pas besoin des aides humanitaires proposées par l’Algérie». C’est par ce long et très sérieux titre que le ministère algérien des Affaires étrangères a réagi, dans un communiqué publié par l’APS ce mardi, à une polémique algéro-algérienne. On a presque envie de s’écrier: mais que fait le Royaume dans cette galère?

Un petit rappel: hier lundi, durant toute la soirée, les médias algériens ont diffusé des vidéos de trois avions sortis de hangars, probablement remplis à la va-vite et exposés tambours battant aux yeux du «monde algérien entier», à grand renfort de direct depuis le tarmac de l’aéroport militaire de Boufarik et sur fond de bande son martiale. Toute la presse du voisin de l’est s’est écriée d’une seule voix: «L’Algérie envoie des secouristes et une aide d’urgence au Maroc».

Le hic, c’est que les avions sont restés immobilisés sur le tarmac, les secouristes, le temps passant, ont dû adopter une posture moins guindée que dans la photo officielle, avant de s’asseoir et finir par rentrer se coucher. Loin des caméras. Car le Maroc n’a pas sollicité l’aide de l’Algérie et ne pouvait, par conséquent, donner suite à une requête dont il n’est pas l’auteur.

Le communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères argue que «dans une déclaration à la presse hier lundi, le ministre marocain de la Justice avait annoncé que le Royaume marocain a accepté les aides humanitaires proposées par l’Algérie, qui seront acheminées en coordination avec le ministère marocain des Affaires étrangères». Donc, c’est sur la base d’une déclaration incertaine à un média inconnu, attribuée au ministre marocain de la justice, que le Maroc aurait «accepté l’aide de l’Algérie»… «à condition de coordonner avec le ministère des affaires étrangères».

C’est extrêmement léger comme argument. Mais admettons. Dans ce cas, n’aurait-il pas fallu, avant de lancer la cavalerie et déchaîner les turbos, s’attarder un tant soit peu sur cette «l’info» et, bien entendu, la vérifier, sinon auprès du MAE marocain, au moins auprès du consulat d’Algérie à Casablanca?

Si tant est que l’on est réduit à prendre des décisions politiques de cette envergure sur la base d’informations de cet acabit, n’eut-il pas été indiqué de «coordonner», puisque Abdellatif Ouahbi aurait parlé justement de «coordination»?

Si l’Algérie souhaitait venir en aide au Maroc, dans ce contexte humanitaire exceptionnel, l’obligation de coordination au préalable avec les autorités marocaines compétentes demeure un prérequis de bon sens élémentaire.

De plus, il y a de quoi s’étonner de l’assurance excessive du régime algérien. C’en est presque à oublier que ce régime a rompu de façon unilatérale ses relations diplomatiques avec le Royaume, fermé son espace aérien aux avions marocains et coupé le gazoduc Maghreb-Europe en se réjouissant que les villes marocaines allaient être plongées dans l’obscurité. Dans ce contexte, il y a de quoi douter, fortement, de l’excès de confiance du voisin oriental si l’on sait que le Maroc n’a accepté pour le moment que les offres de quatre pays, lesquelles répondent à des besoins bien spécifiques identifiés sur le terrain.

Petit détail pour compléter le décor: le Maroc a fait savoir son souhait d’accepter uniquement des aides limitées répondant à des besoins spécifiques et minutieusement insérées dans le dispositif national de sauvetage. Mais çà, «tout le monde le sait», pour parodier un illustre ancien ministre algérien, sauf les caciques du régime d’Alger. Auraient-ils voulu donner la preuve de leur propre amateurisme, qu’ils ne se seraient pas pris autrement.

Avec tout le tintamarre fait autour de cette aide humanitaire, le régime algérien a raté une occasion de se taire. Du moins par respect de la peine d’une nation en deuil. S’il y a un temps pour les querelles, ce n’est vraiment pas celui-ci.

Et puis, que nos frères algériens n’y voient aucune hogra. Le Maroc ne saurait refuser une main sincèrement tendue de l’Algérie, alors qu’il lui tend sincèrement sa main depuis des années. A ce sujet, le roi Mohammed VI a remercié tous les pays amis et frères qui ont, rapidement et spontanément, offert d’apporter une aide. Le Souverain n’a exclu aucun pays frère ou ami.

Tous les pays ont respecté le choix souverain de l’Etat marocain de prendre le temps de définir ses besoins spécifiques et d’accepter des aides adaptées, le moment venu. Certains ont eu un peu de retard à le comprendre, mais aucun ne s’en est offusqué au point d’en faire un communiqué. C’était compter sans la capacité stupéfiante de notre voisin oriental à briller par des actions hors du commun.

Un tel communiqué, à un moment où le Maroc est toujours endeuillé, suite à une catastrophe naturelle tragique, qui a résonné dans le monde, et suite à laquelle plusieurs familles ont perdu leurs membres, ou sont toujours à la recherche de survivants, n’a vraisemblablement qu’un seul objectif, celui de leurrer l’opinion publique des deux pays et au-delà… la communauté internationale.

Par Mohamed Chakir Alaoui
Le 12/09/2023 à 19h22