L’Envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU, Staffan de Mistura – que cette résolution remet clairement en selle – a d’ailleurs déclaré à Bruxelles qu’il «attendait désormais avec impatience une version actualisée du plan marocain». Il a précisé que la résolution était «importante par son contenu », qu’elle «traduit une énergie et une détermination internationales renouvelées», qu’elle établit un cadre «mais ne prescrit pas d’issues déterminées aux négociations». Selon lui, ce texte constitue une base de négociation, «tout comme le document du Front Polisario et d’autres idées permanentes». Et de conclure: «S’engager ne veut pas dire automatiquement en accepter le résultat. L’important est d’y participer».
Voilà précisément ce qui pose problème. Pourquoi? Parce que la résolution 2797 est d’une tout autre veine. Elle vise à «faire progresser le processus politique, notamment par la poursuite des consultations entre l’Envoyé personnel et le Maroc, le Front Polisario, l’Algérie et la Mauritanie, afin de consolider les progrès accomplis». Elle souligne «l’urgence de la reprise du processus politique» et se félicite de «l’initiative de l’Envoyé personnel de réunir les parties afin de maintenir la dynamique et de saisir cette occasion sans précédent pour parvenir à une solution durable». Certes, la résolution ne fixe pas de délai explicite, mais il est évident qu’il n’est ni souhaitable ni envisageable que ce processus s’éternise. Ce qui importe désormais, c’est la transmission par le Maroc d’une version actualisée de l’Initiative d’autonomie déposée le 11 avril 2007 au Conseil de sécurité.
Ce texte fondateur comprend 35 points, organisés en trois grandes parties: l’engagement du Maroc en faveur d’une solution politique définitive; les éléments de base de la proposition marocaine (compétences de la Région autonome du Sahara, organes de la Région – parlement et Chef de gouvernement –, ainsi que la représentation de l’État dans la Région); enfin, le processus d’approbation et de mise en œuvre du statut d’autonomie. Comme le prévoit le point 27, ce statut «fera l’objet de négociations» et sera «soumis à une libre consultation référendaire des populations concernées». Ce référendum consacre ainsi le libre exercice, par ces populations, de leur droit à l’autodétermination. Le point 28 ajoute qu’à cette fin, «les parties s’engagent à œuvrer conjointement, et de bonne foi, en faveur de cette solution politique et de son approbation par les populations du Sahara». Dans le même esprit, la Constitution marocaine sera révisée, le plan précisant que «le statut d’autonomie y sera incorporé comme gage de sa stabilité et de sa place particulière dans l’ordonnancement juridique national».
«L’Algérie et le mouvement séparatiste peuvent-ils refuser les réunions et les négociations proposées par l’Envoyé personnel aux États-Unis? Jusqu’ici, ces deux acteurs, qui avaient pourtant participé à deux tables rondes en Suisse (en décembre 2018 et en mars 2019), avaient par la suite récusé ce format.»
— Mustapha Sehimi
Sur la base du plan marocain actualisé, des négociations pourront alors s’ouvrir sous l’égide de l’Envoyé personnel, Staffan de Mistura, et ce sur le sol américain, comme le prévoit la résolution. Ce choix, explicitement mentionné, témoigne de l’intérêt particulier de Washington à faire avancer – et, à terme, clore – un différend qui dure depuis un demi-siècle. Y aura-t-il plusieurs rounds de négociations, avec des groupes de travail thématiques entre les parties? Très probablement. Un relevé de conclusions devra être établi, consignant convergences et divergences sur le statut final du territoire, étant entendu que celui-ci s’inscrira dans le cadre de la souveraineté marocaine, comme le rappelle d’ailleurs la résolution.
Au-delà des questions politiques et institutionnelles, la problématique de la gouvernance sera également au cœur des discussions, avec des références explicites aux droits humains et aux libertés fondamentales: renforcement du suivi par les mécanismes onusiens (HCDH, MINURSO), mesures de confiance et de réconciliation – notamment les visites familiales –, garanties de participation démocratique et de protection des libertés publiques. Il faudra aussi traiter de multiples dossiers humanitaires. Se pose, en particulier, la question de l’identification des réfugiés, à laquelle l’Algérie s’est constamment opposée. Les dizaines de milliers de personnes installées dans les cinq camps de Tindouf relèvent de plusieurs nationalités sahéliennes et autres. Or, seuls ceux pouvant justifier de leur citoyenneté marocaine seront concernés par ce processus.
Autre chantier complexe: celui du désarmement et de la réintégration éventuelle de milliers de membres démobilisés des milices armées du mouvement séparatiste. L’Algérie, en tant que pays d’accueil, sera directement confrontée à cette difficulté majeure. Il lui appartiendra de prendre les mesures appropriées, le Maroc ne pouvant accueillir certaines catégories de réfugiés. La question du rapatriement fera l’objet de programmes dédiés. Le Royaume s’était déjà engagé, dans son plan d’autonomie (point 30), à prendre «toutes les mesures nécessaires (…) pour une réinsertion complète au sein de la collectivité nationale, dans des conditions garantissant la dignité des personnes rapatriées, leur sécurité et la protection de leurs biens». À cette fin, une amnistie générale est prévue. À la suite d’un accord entre les parties, un conseil transitoire, composé de leurs représentants, sera institué; il apportera son concours aux opérations liées à l’approbation et à la mise en œuvre du statut d’autonomie (rapatriement, désarmement, démobilisation, réinsertion…), comme le prévoit le point 32 du plan marocain de 2007.
Reste une question centrale: l’Algérie et le mouvement séparatiste peuvent-ils refuser les réunions et les négociations proposées par l’Envoyé personnel aux États-Unis? Jusqu’ici, ces deux acteurs, qui avaient pourtant participé à deux tables rondes en Suisse (en décembre 2018 et en mars 2019), avaient par la suite récusé ce format. Aujourd’hui, ce sont des termes nouveaux qui s’imposent à eux. Il n’existe plus, en réalité, d’autre option que de se réinsérer dans le processus onusien tel qu’il est consacré par la résolution 2797 du 31 octobre 2025.





