Une victoire en vue pour la vérité historique marocaine? Fin juillet, le gouvernement espagnol a approuvé un projet de loi majeur visant à remplacer la législation obsolète de 1968 sur les secrets officiels, héritée du franquisme. À la clé, révèle le magazine Jeune Afrique, la déclassification progressive de milliers de documents confidentiels, dont ceux liés à la période critique du retrait espagnol du Sahara en 1975. Une réforme d’apparence technique, mais qui pourrait résonner comme un tournant stratégique.
Côté marocain, cette déclassification est une chance unique de rétablir des vérités longtemps ignorées ou volontairement tues. Si la transparence promise est au rendez-vous, ces archives pourraient confirmer la légitimité du Royaume sur son Sahara, en révélant les engagements implicites ou explicites de l’Espagne au moment de la fin du protectorat, lit-on.
Le cœur du dossier concerne les derniers mois du régime franquiste, marqués par la Marche verte de novembre 1975 et les accords de Madrid, qui ont acté le départ espagnol du territoire saharien. Ces événements, décisifs dans l’histoire moderne du Maroc, ont souvent été décrits de manière floue dans les récits espagnols, entre improvisation politique et non-dits diplomatiques.
Lever cette opacité, c’est aussi exposer ce que l’Espagne n’a jamais voulu reconnaître officiellement: une réalité de terrain favorable au Maroc, une dynamique historique portée par le peuple marocain et un retrait espagnol qui, de fait, a validé la souveraineté du Royaume.
Pendant des décennies, l’Espagne a verrouillé l’accès à ses propres archives, empêchant chercheurs et institutions de reconstituer les décisions prises dans les coulisses du pouvoir franquiste, souligne Jeune Afrique. De nombreux documents clés, notamment ceux relatifs à la position de l’armée espagnole, aux rôles des puissances étrangères ou aux tractations diplomatiques avec Rabat, ont été gardés secrets ou détruits.
À l’inverse, le Maroc a toujours assumé son récit, en célébrant publiquement la Marche verte, en défendant les accords tripartites et en appuyant ses revendications sur des faits historiques solides. La réforme espagnole vient aujourd’hui combler un vide et pourrait, in fine, donner raison aux thèses marocaines à partir des propres archives de l’ancienne puissance coloniale.
L’enjeu dépasse la seule reconstitution historique. Car ces archives ont aussi une valeur juridique et diplomatique potentielle, dans un contexte où plusieurs capitales mondiales, dont Washington et Madrid elles-mêmes, ont revu leur lecture du dossier saharien.
Si les archives espagnoles confirment, même indirectement, que Madrid reconnaissait de facto la souveraineté marocaine sur le Sahara ou négociait dans ce sens à l’époque, cela constituerait un précédent significatif. Une carte maîtresse dans la bataille diplomatique qui se joue encore aujourd’hui au sein des organisations internationales et des chancelleries.
Derrière ce tournant législatif, se profile donc un moment de rééquilibrage mémoriel. Longtemps, le récit historique a été écrit du point de vue du colonisateur. Aujourd’hui, la déclassification des archives pourrait enfin redonner la parole aux faits, et permettre aux pays comme le Maroc de reconstruire leur mémoire à partir des aveux mêmes de l’ex-puissance coloniale. Le défi sera logistique au vu du volume des archives, avertit le magazine, mais le potentiel politique et symbolique est immense, surtout pour un Maroc qui n’a cessé de revendiquer la transparence, la justice historique et le respect de sa souveraineté.








