Première: le Maroc met l’intelligence artificielle au cœur de l’Union africaine

Le siège de l'Union africaine à Addis-Abeba.. 2013 Getty Images

En prenant la présidence du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine pour le mois de mars 2025, le Maroc impose son empreinte. Pour la première fois, sous son impulsion, l’impact de l’intelligence artificielle sur la sécurité et la gouvernance en Afrique sera débattu. Climat, lutte contre l’extrémisme et concertations sur des États sanctionnés par l’UA figurent aussi à l’agenda, confirmant un leadership marocain proactif et innovant.

Le 10/03/2025 à 13h02

Ce mois de mars 2025, c’est le Maroc qui est la tête du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine (UA), et il ne compte pas faire de la figuration. L’agenda du mois, que Le360 a consulté, est des plus riches. Fait marquant, durant cette présidence, le Royaume introduit un sujet inédit et qui s’impose: l’impact de l’intelligence artificielle (IA) sur la paix, la sécurité et la gouvernance en Afrique. La thématique sera soumise à débat au niveau ministériel et c’est le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, qui y représentera le Royaume. Une première pour le CPS, et une initiative marocaine qui marque un tournant stratégique. Car aujourd’hui, les conflits ne se limitent plus aux armes conventionnelles: cyberattaques, désinformation et nouvelles technologies redéfinissent les enjeux sécuritaires du continent.

Le Maroc se place aux avant-postes des débats sur l’IA, non seulement en Afrique mais dans le monde. Jeudi 21 mars 2024, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté, par consensus, la première résolution onusienne sur l’intelligence artificielle, initialement co-parrainée par le Maroc et les États-Unis, suivis par 123 Etats membres jusqu’au jour de son adoption. Intitulée «Saisir les opportunités offertes par des systèmes d’intelligence artificielle sûrs, sécurisés et fiables pour le développement durable», cette résolution appelle notamment, les États membres à promouvoir des systèmes d’IA sûrs, sécurisés et fiables pour relever les plus grands défis du moment.

En février dernier, neuf pays, dont le Maroc, se sont alliés pour lancer «Current AI», une initiative pour une intelligence artificielle d’intérêt général. Impliquant associations de renom et grandes entreprises, dont les géants Google et Salesforce, l’initiative est parrainée par onze grands dirigeants de la tech mondiale. Avec le Kenya et le Nigéria, le Maroc compose le trio africain présent dans cette alliance, à laquelle s’associent également la France, l’Allemagne, la Finlande, la Suisse, la Slovénie et le Chili. Dotée d’un investissement initial de 400 millions de dollars, l’initiative espère lever au total 2,5 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années, afin de développer l’accès à des bases de données privées et publiques dans des domaines comme la santé et l’éducation, et investir dans des outils et des infrastructures en source ouverte pour rendre l’IA plus transparente et sécurisée.

Outre l’IA, plusieurs autres dossiers brûlants seront à l’ordre du jour: le changement climatique et son impact sur la sécurité, la déradicalisation comme outil de lutte contre l’extrémisme et l’agenda «Femmes, Paix et Sécurité». Autant de thématiques cruciales qui démontrent l’ambition marocaine d’une gouvernance africaine proactive et tournée vers l’avenir.

Autre enjeu majeur: une consultation informelle sera menée avec des États sanctionnés par l’Union africaine – Burkina Faso, Gabon, Guinée, Mali, Niger et Soudan– pour maintenir un lien avec ces pays et ne pas insulter l’avenir: ces pays retourneront au sein de l’UA. Une étape diplomatique clé pour éviter l’isolement et favoriser la stabilité régionale. En attendant, c’est le Maroc qui maintient le fil du dialogue entre ces pays et l’organisation panafricaine.

Ce leadership marocain sur des sujets concrets, vitaux et engageant l’avenir n’est pas un coup d’essai. C’est d’ailleurs la quatrième fois que le Royaume accède à la présidence du CPS de l’UA, après les mandats de février 2024, octobre 2022 et septembre 2019. Un signe fort de la place qu’occupe le Maroc dans le continent depuis son retour à la famille africaine. Lors de ses précédentes présidences, le Royaume a déjà joué un rôle central dans la promotion du dialogue et de la coopération continentale, notamment à travers des initiatives sur la paix, le climat et la sécurité alimentaire.

Avec cette nouvelle présidence, le Maroc confirme son statut de leader africain engagé, combinant diplomatie préventive, respect de la souveraineté des États et innovation stratégique. L’objectif est clair: placer les intérêts des citoyens africains au cœur de l’agenda panafricain et bâtir un avenir plus stable et prospère pour le continent. Les défis de l’Afrique – terrorisme, sécheresse, extrémisme violent– exigent des réponses globales, et le Maroc entend bien les piloter.

À préciser que depuis son retour à l’UA, le Maroc a été élu pour deux mandats successifs au CPS (2018-2020 et 2022-2025), attestant de son expertise reconnue en matière de paix et de sécurité. Son engagement se traduit par une contribution active au Fonds pour la Paix de l’UA, la participation aux opérations onusiennes de maintien de la paix et le soutien aux pays africains contre le terrorisme et l’extrémisme violent.

Le Maroc plaide pour une approche multidimensionnelle liant paix, sécurité et développement. Il a organisé en 2022 la Conférence de Tanger, menant à l’adoption de la Déclaration de Tanger par le sommet de l’UA en 2023. L’initiative royale pour l’accès des États du Sahel à l’Atlantique illustre également cette vision préventive et réaliste. Le Royaume a introduit des thématiques stratégiques au sein du CPS, telles que la justice transitionnelle, la sécurité sanitaire et maritime et l’agenda «Femmes, Paix et Sécurité». Il a initié un programme annuel de formation des observateurs électoraux de l’UA et a promu le rôle de l’éducation et de la jeunesse dans la prévention des conflits. Autant d’initiatives à fort impact et balisant le terrain à l’Afrique de demain, celle de la paix et du développement.

Par Tarik Qattab
Le 10/03/2025 à 13h02