La décision est tombée comme un couperet. Le roi Mohammed VI a limogé Mohamed Boussaïd, ministre de l’Economie et des finances, de son poste. «En application des dispositions de l'Article 47 de la Constitution, Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L'assiste, après consultation du chef du gouvernement, a décidé de mettre fin aux fonctions de M. Mohamed Boussaid, en tant que ministre de l'Economie et des finances», indique un communiqué du Cabinet royal. Cette décision royale «intervient en application du principe de la reddition des comptes que Sa Majesté le Roi est soucieux d'appliquer à tous les responsables, quels que soient leurs rangs ou leurs appartenances».
Tout est donc de savoir quelles sont les raisons précises qui ont conduit à une telle sanction. De sources concordantes, nous apprenons que plusieurs motifs justifient la décision. Une de ces raisons n’est autre que les retards pris dans le déblocage des fonds prévus dans le cadre du programme Al Hoceima Manarate Al Moutawassit. Ayant déjà fait l’objet de grandes lenteurs dans le passé, avec les événements d’Al Hoceima que l’on connaît, ces projets souffraient, même dans leur phase d’accélération, de nombreux blocages en termes de financements. La responsabilité en la matière incombant au département de tutelle.
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Autre raison invoquée, la gestion du dossier de libéralisation des hydrocarbures. Si elle est censée faire jouer les règles du marché en faveur du consommateur et indexer les prix à l’international, c’est tout le contraire qui s’est produit, avec une hausse répétitive des tarifs, au détriment des consommateurs et des industriels.
Le département des Finances aurait ainsi péché par manque non seulement d’anticipation, mais aussi de réactivité par rapport à une situation de marché devenue de plus en plus incontrôlable.
Last but not the least, sous Mohamed Boussaïd, les Finances auraient également fait preuve de légèreté sur le dossier de cession de Saham Assurance, annoncée tambour battant, au sud-africain Sanlam. En sachant que politiquement, Mohamed Boussaïd est de même bord que le patron de Saham, Moulay Hafid Elalamy, soit le RNI (Rassemblement national des indépendants). Le cafouillage - certains parlent de conflit d'intérêt - ayant entouré cette opération semble là aussi avoir eu raison du ministre. En cause, le traitement fiscal de l’opération de cession. Elalamy est accusé d’avoir profité d’une mesure fiscale dérogatoire, introduite dans le tout dernier projet de Loi de finances 2018 et taillée sur mesure par...le département de Boussaïd. Celle-ci instaure le principe d’exonération des droits d’enregistrement sur les cessions de parts d’actions ou de parts sociales, etc.
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L’application de cette mesure à la transaction Saham-Sanlam provoque automatiquement un manque à gagner de 420 millions de dirhams de recettes fiscales (soit l’équivalent de 4% du volume global de l’opération).
Le tout, en sachant que l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS-indépendante) n’a pas donné son feu vert à l’opération et que les délais requis pour se prononcer sur la recevabilité du dossier ont été dépassés. Le Code des assurances (article 172) stipule que «toute prise de contrôle direct ou indirect supérieur à 30% du capital social (d'une société d'assurance, ndlr) doit recueillir l'accord préalable de l'ACPAS» et que «la réponse de cette dernière doit intervenir dans les 30 jours à compter de la date de réception de la demande présentée à cet effet». Des mois après l’annonce de cette opération, dont le montant s’élève à 1 milliard de dollars, le verdict de l’ACAPS se faisait toujours attendre.