C’est sans doute la fin d’un imbroglio qui a failli entamer sérieusement l’impartialité du gouvernement et l’indépendance de la justice d'Espagne. Chef des séparatistes, objet de plusieurs plaintes pour tortures, viols et atteintes aux droits de l’homme, Brahim Ghali devra finalement comparaître devant la justice espagnole. Ainsi en a décidé l’Audience nationale, la plus haut juridiction pénale du pays. Ce sera le mardi 1er juin prochain. L’annonce officielle en a été faite ce vendredi 7 mai par le porte-parole de ce tribunal.
C’est là un juste retour des choses. Brahim Ghali, souffrant du Covid-19 et admis à ce titre en Espagne pour y être hospitalisé, sous la fausse identité de l’Algérien Mohamed Benbatouche, devait selon des sources fiables et des médias espagnols crédibles comparaître mercredi 5 mai dernier. Mais mercredi, la même Audience nationale a démenti cette information.
Le séparatiste en chef, que ses soutiens et médias disent aujourd’hui en bonne santé, aura à répondre notamment des accusations de tortures formulées contre lui par Fadel Breika, un membre dissident du Polisario, aujourd’hui blogueur et meneur de l'Initiative sahraouie pour le changement, et plusieurs autres présumées victimes. Comme pour la précédente convocation, son identité devra être authentifiée, et son état de santé vérifié avant sa présentation devant le tribunal.
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On retiendra que si le gouvernement espagnol a fini par avouer, mais du bout des lèvres, avoir accueilli en Espagne le chef du Polisario, âgé de 71 ans, il aura cherché à le couvrir jusqu’au bout, allant jusqu’à laisser croire que, convoqué ou pas, Brahim Ghali réussirait à quitter l’Espagne sans être inquiété. Mardi, la ministre espagnole des Affaires étrangères, Arancha Gonzalez Laya, l’avait d’ailleurs clairement affirmé. "Quand ces raisons humanitaires prendront fin, M. Ghali quittera évidemment l'Espagne", avait-elle déclaré. Il faudra donc repasser.
Si Brahim Ghali est, somme toute, facilement identifiable, cinq autres membres du Polisario, qui étaient convoqués ce vendredi matin devant l'Audience nationale en tant qu'accusés, ne se sont pas présentés. Et pour cause, ils n’auraient pas pu recevoir la convocation correspondante, certains se trouvant en Algérie, indique le journal La Razon, citant des sources judiciaires.
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Bachir Sayed, ministre des Affaires politiques de Brahim Ghali, Sidahmed El Bellal Hedda, Gali Sidi-Mohamed Adelyelil, Mohamed El Khalil et Mohamed Salec Abdesamad font en effet l'objet de plaintes par le même Fadel Breika. Leur présentation devant le juge d’instruction à l’Audience nationale, Santiago Pedraz, a donc été suspendue. Avec leur chef, ils étaient tous poursuivis pour crimes présumés de détention illégale, tortures ainsi que crimes contre l'humanité, indique l’agence EFE, confirmant que Brahim Ghali est cité à comparaître le 1er juin prochain. Partie civile dans ce procès, l'Association sahraouie pour la défense des droits de l'homme (ASADEHD), a demandé au juge d’adopter des mesures conservatoires (retrait du passeport, mise sous surveillance policière) envers le chef des séparatistes.
Les accusations qui pèsent contre ce dernier sont des plus lourdes. Fadel Breika affirme à ce titre avoir été incarcéré, torturé à son arrivée dans les camps du Polisario à Tindouf (en Algérie) en 2019, subi des "menaces" et des "tortures".
"Au cours de sa privation de liberté, il a été battu et soumis à des décharges électriques, le gardant les yeux bandés et les mains et les pieds liés. Il a entamé une grève de la faim. Après des mois de détention, il a été libéré le 10 octobre 2019", indique un communiqué résumant le contenu de la plainte de Fadel Breika. Affaire à suivre.