Ses victimes, et elles sont nombreuses, se réjouissaient de le voir comparaître devant la justice espagnole et répondre de ses actes, notamment de torture et d’atteintes aux droits de l’homme, dont il est accusé. Objet de nombre de plaintes en Espagne, où il a été accueilli le 21 avril dernier, sous la fausse identité du citoyen algérien Mohamed Benbatouche pour y être soigné du Covid-19, le chef des séparatistes, Brahim Ghali, va peut-être passer, avec l’aide du gouvernement espagnol, entre les mailles de la justice.
Contrairement à ce qu'avait indiqué lundi dernier une source judiciaire directement impliquée dans cette affaire, confirmant des informations recueillies par Le360, Brahim Ghali, «n'a pas été convoqué aujourd'hui (mercredi)», a assuré le porte-parole de l'Audience nationale, plus haute juridiction pénale en Espagne. Cité par l’Agence France presse (AFP), il porte ainsi un démenti aussi formel qu’inhabituel aux informations, diffusées par des agences et des médias ibériques des plus crédibles, affirmant que Brahim Ghali sera poursuivi. Ces mêmes médias citaient une source judiciaire.
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Nous sommes en face d’un cas de figure rare où une même institution confirme une information la veille et la dément le lendemain. Cela ressemble fortement à un rétropédalage.
Quid alors que la procédure de son identification à laquelle le juge d’instruction auprès de la même Audience nationale, Santiago Pedraz Gomez, a fait appel hier mardi 5 mai? «Il a seulement été demandé à la police de le localiser et de vérifier s'il était en Espagne», a ajouté le porte-parole du tribunal, sans être en mesure d'expliquer les causes de cet imbroglio. «Le juge a demandé à la police qu'elle fasse les vérifications nécessaires pour certifier que cette personne que l'on dit hospitalisée à Logroño (nord de l'Espagne) est bien lui», a encore dit ce porte-parole.
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Tout porte donc à croire que l’imbroglio au sujet de la convocation du chef des séparatistes est emblématique de la confusion des autorités espagnoles à gérer ce dossier. Le quotidien La Razon avait expliqué que l’admission de Brahim Ghali dans un hôpital à Logroño avait été autorisée par les autorités espagnoles au plus haut niveau qui ont géré ce dossier avec le régime algérien. Est-ce que le gouvernement espagnol a donné des garanties au régime militaire algérien pour que Brahim Ghali soit soustrait à la justice?
Si tel est l’accord passé entre les gouvernements espagnol et algérien, l’Espagne est la grande perdante dans ce dossier. Protéger un criminel de guerre, tortionnaire et violeur, risque de ternir durablement l’image de l’Espagne en tant que démocratie occidentale, et apporter de l’eau au moulin des indépendantistes catalans qui avaient réprouvé les verdicts de la justice espagnole au motif qu’elle obéit aux instructions émanant de Madrid.
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Dans une interview accordée le 1er mai à l’agence de presse espagnole EFE, Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, a été on ne peut plus clair, allant jusqu’à se demander si l’Espagne «souhaite sacrifier sa relation bilatérale à cause du cas de Brahim Ghali». Pour lui, cette affaire «constitue un test de fiabilité de nos relations et de leur sincérité, et de savoir si elles ne sont qu’un simple slogan».
Laconique, la ministre espagnole des Affaires étrangères, Arancha Gonzalez Laya, s’est contentée, hier mardi, de répéter la même justification. «Nous avons donné les explications opportunes au Maroc sur les circonstances qui nous ont conduits à accueillir (Ghali, Ndlr) pour des raisons strictement humanitaire», a-t-elle déclaré lors d’un point de presse. Et d’ajouter que «quand ces raisons humanitaires prendront fin, M. Ghali quittera évidemment l'Espagne».
Brahim Ghali quittera l’Espagne même s’il est convoqué par la justice, aurait pu ajouter la ministre espagnole des Affaires étrangères.