Samedi dernier, à Marrakech, je bavardais avec quelques collègues dont un Danois, physicien d’élite, lorsque soudain j’ai dressé l’oreille: Steen venait de nous dire, à propos de rien, qu’il n’y avait aucun scientifique parmi les parlementaires danois; ce qui suscita en mon tréfonds cette interrogation inquiète: et nous?
Combien y a-t-il de scientifiques parmi nos honorables représentants, en face de l’hôtel Balima?
Steen développa son argumentaire: les parlementaires de son pays sont en majorité des juristes, des littéraires, des ex-enseignants du primaire ou du secondaire. Mais on ne trouve sur les bancs du Folketing aucun spécialiste de génétique, aucune physicienne des particules, aucun algorithmicien. Alors, comment tous ces gens-là font-ils pour comprendre les enjeux scientifiques de l’heure?
Bonne question, Steen.
Les collègues approuvèrent l’argument. Un Écossais –dont l’ancêtre, John Napier, inventa les logarithmes en 1614– déplora que dans son pays ce fût également les advocates qui fissent la loi au sein du Scots Pairlament. Des juristes, il en faut, mais faut-il qu’ils accaparent la représentation du peuple?
Un confrère français nous rappela que Danton et Robespierre étaient avocats. «La plupart de nos élus, également!», interjeta une spécialiste italienne des machines de Turing; et de nous apprendre un fait étonnant: le fameux Giulio Andreotti, qui domina la vie politique italienne pendant des années –il fut premier ministre et finit sénateur à vie– non seulement était avocat mais il obtint son diplôme à l’université de Rome avec la note faramineuse de 20/20... Un exploit qui ne l’empêcha pas de malmener dame Justice si souvent qu’elle finit par ressembler à la fée Carabosse. «Avec Andreotti, le droit était tordu et il fit une belle carrière, nous dit Lara, mais savait-il seulement comment fonctionne une ampoule électrique? Non.»
Plus tard, alors que nous déjeunions au riad Kniza (publicité gratuite), je me mis à réfléchir. Si nous voulons vraiment changer de modèle et devenir un dragon ou un tigre sur le modèle de Taiwan ou de la Corée du Sud, ne faudrait-il pas avoir plus d’ingénieurs et de scientifiques au Parlement?
Je propose donc au législateur de changer la loi électorale pour y inclure des quotas dans ce sens. Le tiers des candidats présentés par un parti aux élections législatives devra réussir à un examen préalable comportant des questions sur le principe d’inertie, la biologie et l’équation de Schrödinger.
Quant au Président du gouvernement, il devra au moins savoir résoudre les équations de Navier-Stokes, très utiles pour nager en eaux troubles.
Vous me dites: «Navier-Stokes? Mais c’est très difficile!»
Parce que gérer un pays aussi complexe que le nôtre, c’est facile?