Moins de paperasse, plus d’efficacité: la justice fait sa mue digitale

Un maillet et une balance, symboles d'une justice équitablement rendue.

Revue de presseLa digitalisation des procédures, la spécialisation des tribunaux et le suivi statistique rigoureux des délais traduisent une volonté d’améliorer l’efficacité, la transparence et la qualité des décisions, tout en révélant des disparités régionales et des pressions croissantes sur certaines juridictions. Cet article est une revue de presse tirée du quotidien Al Ahdath Al Maghribia.

Le 11/11/2025 à 18h53

Le Maroc vit aujourd’hui une étape charnière dans le processus de modernisation de son système judiciaire. C’est le principal constat qui se dégage du rapport annuel du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire pour l’année 2024, repris par le quotidien Ahdath Al Maghribia dans son édition du mercredi 12 novembre. Ce document met en évidence un changement de paradigme dans la manière d’évaluer la justice. On est passé d’une simple observation descriptive à une approche analytique fondée sur des indicateurs numériques précis, permettant une évaluation objective et mesurable de la performance des tribunaux. L’objectif central est clair: instaurer une justice rapide, efficace et de qualité, qui respecte les droits des justiciables et réponde aux attentes de la société.

Le rapport souligne l’émergence d’une transformation structurelle et méthodologique majeure, marquée notamment par la mise en place d’un système d’information intégré baptisé S@J2. Cet outil a permis d’analyser les données statistiques couvrant la période 2018-2023 et d’établir des délais de référence pour le traitement des affaires, garantissant ainsi le respect du principe du délai raisonnable sans compromettre les droits de la défense. Parallèlement, le Conseil a instauré des pôles spécialisés dans les affaires civiles, pénales et techniques, offrant ainsi une lecture sectorielle plus fine des performances des différentes juridictions, écrit Al Ahdath Al Maghribia.

Sur le plan du numérique, le rapport fait état d’une dynamique inédite. La numérisation des procédures de suivi, l’élargissement de la publication des décisions de justice et la mise en ligne massive des jurisprudences traduisent une volonté d’instaurer une transparence accrue et de renforcer la sécurité juridique. Entre 2022 et 2024, le nombre de décisions publiées par la Cour de cassation a doublé, tout comme le nombre de visiteurs de la plateforme judiciaire nationale, un signe clair de la montée de la confiance publique et de la transparence institutionnelle.

Parmi les indicateurs les plus marquants, le rapport cite le taux exceptionnel de 99% de respect des délais dans le traitement des affaires liées au terrorisme. Il souligne également une amélioration sensible du rendement des tribunaux commerciaux et administratifs, malgré la forte pression générée par la hausse des dossiers liés aux projets de développement et aux procédures d’expropriation, qui ont connu une augmentation spectaculaire de 198%.

Cette approche s’appuie sur une méthodologie scientifique articulant analyse quantitative et évaluation institutionnelle, à travers des outils précis de suivi de la performance et de la qualité des jugements. Le recours aux données numériques et le développement de la spécialisation judiciaire apparaissent comme des atouts majeurs, tout comme l’engagement du Conseil à renforcer la transparence et à harmoniser les pratiques grâce à des circulaires et à la diffusion d’une jurisprudence uniformisée.

Cependant, le rapport ne dissimule pas les faiblesses qui subsistent. Il évoque notamment les disparités régionales dans la performance des tribunaux et le respect des délais, ainsi que la lenteur du virage numérique dans certaines juridictions. Le document attire aussi l’attention sur la surcharge des tribunaux administratifs et commerciaux, conséquence directe de la multiplication des affaires à caractère économique, mais aussi sur la persistance de dossiers sociaux sensibles, tels que le mariage des mineures ou la reconnaissance du mariage coutumier. Ces constats appellent, selon le Conseil, à l’adoption d’approches participatives allant au-delà du seul traitement judiciaire. Le rapport met enfin en garde contre une lecture exclusivement quantitative de la performance, soulignant la nécessité d’intégrer une évaluation qualitative de la cohérence des décisions judiciaires, de leur conformité à la jurisprudence établie et au cadre constitutionnel.

Au-delà du diagnostic, le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire affirme que le Maroc construit actuellement un nouveau modèle institutionnel fondé sur la gouvernance numérique, la transparence et la performance. Pour atteindre cet objectif, il appelle à achever l’infrastructure numérique, à unifier les standards entre les tribunaux et à renforcer la formation continue des magistrats, tout en intégrant la dimension sociale dans le traitement des affaires à forte portée humaine.

Par La Rédaction
Le 11/11/2025 à 18h53