Le démenti porte, pour ainsi dire, les marques de fabrique de l’Algérie nouvelle: pompeux et violent dans la forme, totalement puéril et vide de sens dans le fond. Il en va ainsi de la dernière offensive (verbale s’entend) du régime algérien. Son pilier et tenant militaire est sérieusement secoué par des informations officielles russes sur les mercenaires algériens, plutôt nombreux et dont beaucoup ont été tués, qui alimentent les rangs de l’armée ukrainienne contre celle du grand allié et «frère» russe. Alors que trouve-t-il de mieux à faire? Se murer dans un infantile «ce n’est pas nous», soit le déni auquel il a systématiquement recours quand sa responsabilité est engagée. Les révélations sur ce véritable acte de trahison venant d’un régime longtemps vassalisé par Moscou ont fait les choux gras de la presse russe. Les autorités algériennes font l’autruche et dirigent leurs plumes contre la presse marocaine, nullement responsable ni de la forfaiture et la fourberie des uns ni de l’indignation compréhensible et la perte de confiance des autres.
Des titres comme Algérie patriotique, connu pour être le porte-voix de la vieille garde, toujours agissante, de l’armée, faute d’arguments pour justifier un tant soit peu une félonie avérée, nient tout en bloc en qualifiant les révélations d’«hallucinations», «marocaines» qui plus est. Un autre, El Khabar, porte-parole des renseignements militaires, va plus loin en affirmant que les forces armées algériennes n’agissent que dans le cadre du maintien de la paix dans le monde et dans le cadre de l’ONU. Quand on sait que l’Algérie ne compte pas un seul Casque bleu, il y a lieu de s’accorder sur la vraie signification du mot hallucination.
N’empêche, c’est un rapport officiel fraîchement divulgué par le ministère de la Défense russe sur les sicaires enrôlés par l’armée ukrainienne qui accable sérieusement l’Algérie, deuxième pourvoyeur africain de l’Ukraine en mercenaires étrangers après le Nigeria.
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Le document en question, publié sur la page Telegram de l’État-major russe, fait état d’un recensement des mercenaires étrangers recrutés par l’Ukraine dans la guerre qui l’oppose à la Russie. On y trouve, avec force détails, le nombre exact de mercenaires capturés, leurs nationalités et combien d’entre eux ont été éliminés à l’heure actuelle par l’armée russe. Et c’est ainsi que l’on y découvre l’Algérie (Алжир pour les intimes) avec ses 60 mercenaires recensés, dont 28 ont été tués.
Pour ceux qui auraient encore des doutes, voici les listes complètes, publiées par le MAE russe, en anglais, sur X.
L’information aurait pu rester somme toute banale. Le nombre des mercenaires algériens sur le terrain ukrainien est négligeable, d’autant que le nombre de morts indique clairement qu’il s’agit de chair à canon. «Depuis le 24 février 2022, le nombre total de mercenaires étrangers venus en Ukraine s’élève à 13.387. Dans le même temps, l’élimination de 5.962 d’entre eux a été confirmée jusqu’à présent», relève le ministère russe de la Défense dans un communiqué repris notamment par le journal en ligne russe Komsomolskaïa Pravda.
Est-ce que la Russie a tourné le dos à une Algérie «sans poids économique ni influence régionale», pour reprendre les mots exacts utilisés par le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, qui a formulé les critères qui ont présidé au choix des pays qui ont rejoint les BRICS? Les cinq lettres des BRICS sonnent justement comme l’une des plus retentissantes humiliations de l’Algérie nouvelle du duo Tebboune-Chengriha.
Faut-il aussi rappeler que Moscou ne fait aucun cas de l’Algérie dans son soutien, y compris militaire, aux nouveaux gouvernements au Mali et au Niger, notamment, ouvertement hostiles à «l’influence» algérienne. «Le plus agaçant pour le président Abdelmadjid Tebboune est sans doute que ce qui permet aux juntes de lui tenir tête n’est autre que la présence des miliciens russes de Wagner. Une présence sur laquelle l’ami Poutine n’a pas jugé utile de le consulter», écrit François Soudan, directeur de la rédaction du bien introduit magazine panafricain Jeune Afrique. En cause, l’érosion de l’influence algérienne dans la région.
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«Je n’étais pas là», «ce n’est pas moi» et «l’enfer, c’est les autres» semblent ainsi être les boutons qu’active volontiers l’Algérie à chaque crise. De quoi très mal cacher ce que François Soudan appelle «un certain épuisement fonctionnel et un évident déficit d’imagination». «Au nom du pragmatisme, les arrangements locaux au coup par coup priment sur la vision à long terme, et les médias proches du pouvoir donnent volontiers dans le complotisme pour justifier les revers.» C’est le cas de le dire s’agissant de ce dernier scandale, sachant que ce n’est ni le premier ni le dernier du genre.
Fin février dernier, le ministère algérien des Affaires étrangères a publié un communiqué en réaction à l’enterrement par le gouvernement malien du défunt accord dit d’Alger. Mais sans aucunement répondre aux graves accusations portées contre son régime par les deux communiqués du gouvernement malien diffusés peu avant et justifiant la fin dudit accord, soit les actes «inamicaux» et les «ingérences flagrantes» dans les affaires intérieures maliennes, de nombreux cas concrets et avérés à l’appui. Pire, oiseau de malheur, le faiblard ministre des Affaires étrangères algérien, Ahmed Attaf, a joué sur la corde de la division en s’adressant au peuple malien qu’il a mis en garde contre une inévitable guerre civile.
Quand on sait également que même pour réagir aux scènes d’absolue misère en Algérie immortalisées dans l’émission J’irai dormir chez vous d’Antoine de Maximy, le pouvoir préfère se soustraire à toute forme de responsabilité pour accuser… le Maroc, la messe est dite et le déni devient la marque patente de «la nouvelle Algérie».