Située au cœur de l'ancienne médina de Tanger, la bâtisse de la Légation américaine est le symbole vivant des relations séculaires qui lient le Maroc aux Etats-Unis. Le bâtiment est ouvert depuis 200 ans, et abrite deux siècles d’archives et autres trésors qui n’ont pas de prix, commente le quotidien Al Akhbar qui publie un dossier sur «l’histoire jamais contée de la légation américaine de Tanger», dans son édition du 9 au 11 avril.
L’ouverture de la plus ancienne représentation américaine au monde date de 1821, dans un contexte historique particulier pour le Maroc. A cette époque, le sultan Moulay Slimane voulait absolument réduire l’influence britannique sur le commerce local et mettre fin aux provocations espagnoles et portugaises sur les côtes marocaines. Et avec son ouverture sur un jeune Etat, qu’étaient alors les Etats-Unis d'Amérique, le Sultan avait certainement évité au Maroc les conséquences d’une guerre qui allait embraser la zone du détroit de Gibraltar.
Cette bâtisse que le sultan Moulay Slimane avait offert au gouvernement américain, en signe de symbole d’amitié, est aujourd’hui devenue, explique le quotidien, un musée qui abrite d'inestimables archives et des documents uniques, notamment à propos de l’époque où Tanger était une zone internationale. C’est également dans ce bâtiment, architecturalement conçu à la manière d'une maison marocaine, qu'ont eu lieu bien des manœuvres diplomatiques menées par les Etats-Unis, dans le cadre de leurs relations avec l’Europe et le reste du monde. C’est également depuis ce bâtiment que les Etats-Unis ont suivi dans les détails les coulisses de la conclusion de l’acte du Protectorat entre la France et le Maroc, et entre l’Espagne et le Maroc.
C’est aussi à la Légation américaine de Tanger qu’étaient accueillis les diplomates et consuls américains qui se trouvaient sur le sol marocain jusqu’aux années 50 du siècle dernier, lorsque les Etats-Unis ont ouvert leur ambassade à Rabat. Depuis cette date, la Légation américaine a cessé d’être une plaque tournante de la diplomatie américaine dans la région pour devenir un monument historique et le symbole de la profondeur, de la solidité et de la richesse des relations entre les deux pays.
Au début, explique Al Akhbar, les Etats-Unis se contentaient d’envoyer des chargés de mission qui séjournaient dans la Légation jusqu’à la fin de leur mission. C’étaient des fonctionnaires diplomatiques. Mais au début du XXe siècle, les Etats-Unis ont décidé de nommer un consul général, George Edmund Holt, qui est resté en poste jusqu’en 1909. Dans ses mémoires, celui-ci relate que pour vivre à Tanger, il fallait savoir manier plusieurs langues (au moins l'anglais, l'espagnol, le français et l'arabe dialectal) et surveiller de près l’évolution du cours des devises. Le cours du dollar pouvait ainsi changer plusieurs fois durant la même journée.
D’après ce même diplomate américain, la ville était facile à vivre. Il raconte que la semaine comptait trois jours de repos. Le vendredi, où les musulmans fermaient boutique toute la journée et où vont à la mosquée, les juifs et les chrétiens continuaient, eux, à vaquer à leurs affaires. Le samedi, alors que les juifs observaient le shabbat, musulmans et chrétiens assuraient l’animation dans la ville. Le jour d’après, c'étaient les chrétiens qui prenaient le chemin de l’église catholique, ou du temple protestant, alors que les deux autres communautés maintenaient l’activité économique de la ville, de fait permanente.