Il y a dans les mots du Roi Mohammed VI une cohérence paisible que seuls des esprits lucides peuvent maintenir dans le tumulte des tensions régionales.
Rétrospectif dans l’analyse, prospectif dans l’élan, le dernier discours du Trône à la nation déploie une vision structurée autour de piliers fondamentaux: la cohésion nationale comme socle, l’équité territoriale comme impératif, la souveraineté comme principe intangible.
De cette trame découle une ligne de conduite inaltérable: rester ferme sur ses fondations sans céder à l’hostilité, affirmer ses convictions sans jamais tourner le dos au dialogue.
La main tendue à l’Algérie s’inscrit pleinement dans cette architecture politique: celle d’un Maroc qui poursuit sa marche en avant sans jamais renier ses valeurs, ni ignorer ses voisins.
Les mots du Roi résonnent avec limpidité: «Ma position est claire et constante: le peuple algérien est un peuple frère que des attaches humaines et historiques séculaires lient au peuple marocain (…). Pour toutes ces considérations, j’ai constamment tendu la main en direction de nos Frères en Algérie. J’ai également exprimé la disposition du Maroc à un dialogue franc et responsable; un dialogue fraternel et sincère portant sur les différentes questions en souffrance entre les deux pays. Notre attachement inébranlable à la politique de la main tendue en direction de Nos Frères en Algérie procède de l’intime conviction que nous portons en nous, quant à l’unité de nos peuples et à notre capacité commune à dépasser cette situation regrettable.»
Cette position ne relève ni d’une posture ni d’un réflexe conjoncturel. Elle s’inscrit dans une histoire longue, nourrie d’engagements et de fidélités.
Faut-il rappeler que, dès le XIXᵉ siècle, le Maroc apportait son soutien à l’Émir Abdelkader dans sa lutte contre la colonisation —un acte de solidarité qui ne fut pas sans prix, menant en 1844 à la bataille d’Isly, douloureuse et lourde de conséquences.
Cette tradition s’est poursuivie sans rupture au siècle suivant, notamment par l’ouverture du territoire marocain au FLN et la reconnaissance, dès 1958, du Gouvernement provisoire de la République algérienne.
De la solidarité d’hier à l’ouverture d’aujourd’hui, c’est une même ligne historique qui se prolonge: un fil de fraternité qui traverse les générations sans jamais se rompre.
Nul revirement, nul effet de manche, encore moins un calcul de circonstance: seulement une position d’éthique, enracinée dans une tradition séculaire et portée par des convictions profondes.
Le discours royal dépasse les frontières immédiates pour convoquer un horizon plus vaste: celui d’une Union maghrébine, encore improbable, toujours à l’état de promesse. Une promesse suspendue, tant que ne s’exprimera pas la volonté partagée du Maroc et de l’Algérie, gardiens d’un rêve régional longtemps ajourné.
Encore faudrait-il, dirions-nous, que le voisin consente enfin à désarmer ses réflexes: ceux de la suspicion, de l’instrumentalisation et de la manipulation.
Aucune union ne se bâtit avec un lance-roquettes posé sur la table des négociations. Aucune fraternité ne s’entretient dans l’obstination à soutenir une entité séparatiste née dans les laboratoires militaires de la guerre froide.
Car cette main tendue n’est ni naïve ni vacillante. Elle propose la paix, mais sans transiger sur l’essentiel.
Et l’essentiel, c’est d’abord la marocanité du Sahara: une constante nationale, historique, juridique et populaire —non négociable, non monnayable. Une position confortée par une majorité internationale, du Royaume-Uni au Portugal, en passant par la France, l’Espagne et les États-Unis.
C’est là que le geste royal prend toute sa dimension: tendre la main, oui —mais depuis une position de légitimité, de stabilité et de confiance en soi.
Une main de paix, certes, mais rattachée à un corps debout, enraciné dans sa terre, habité par sa souveraineté et son histoire.
Une offre réfléchie, digne d’un État sûr de son droit, suffisamment maître de lui pour préférer la main tendue au poing fermé.
Ce n’est pas de l’angélisme. C’est une leçon de leadership: le vrai pouvoir ne se mesure pas aux décibels d’un militarisme verbal bruyant, mais à la capacité de choisir la paix, lucidement.
Il faut croire que cette dialectique demeure trop subtile pour certains esprits, englués dans une rhétorique d’affrontement et de surenchère, où l’hostilité tient lieu de projet, et la diabolisation, de stratégie.
Dans un tel narratif, où l’obsession de l’autre fait office de ciment identitaire, la littérature propagandiste algérienne va jusqu’à ressusciter Jugurtha ou Bocchus en guise de ligne éditoriale, quittant alors le champ politique pour s’abîmer dans des rancunes pétrifiées, où les comptes se règlent à deux millénaires d’écart.
Faute de livrer des produits de première nécessité, on sert de l’archéologie revancharde. Faute d’avenir, on ressasse les siècles. Faute de projet, on recycle la haine.
Le Maroc n’est pas dupe.
Il sait que, sous le vernis idéologique, se dissimulent des calculs stratégiques: une obsession géopolitique pour une façade maritime sur l’Atlantique, et une invocation sélective du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes… sauf, bien sûr, lorsque ces peuples vivent en Kabylie ou à Ghardaïa.
Face aux logiques de fragmentation, le Maroc oppose une ambition d’unité. Face à l’engrenage des provocations, il choisit la hauteur stratégique.
Il offre ainsi à l’Algérie une issue honorable —sans humiliation intégrale— et une opportunité précieuse de sauver la face dans le dossier du Sahara marocain.
La sagesse militaire antique en avait déjà saisi toute la portée.
Dans L’Art de la guerre, le stratège chinois Sun Tzu énonçait un principe intemporel, repris depuis par les plus grands: «Ne poussez pas un ennemi acculé au désespoir. Tracez-lui une voie de retraite!»
Car la paix n’est pas le contraire de la force: elle en est la forme la plus élevée.





