Selon plusieurs sources concordantes, l’ex-général Khaled Nezzar serait gravement malade. Manque de chance, il est contraint de se contenter, pour ses soins, des villas et autres résidences médicalisées de la junte militaire locale. Malgré l’insistance de ses médecins algériens et étrangers, qui lui ont conseillé d’aller se soigner à l’étranger, vu les limites criantes des structures sanitaires locales, le «Pol Pot» algérien leur aurait expliqué qu’il lui est impossible pour le moment de voyager hors d’Algérie.
Traqué par la justice internationale qui a failli le coincer en février dernier en Suisse, où il était justement venu pour se soigner avant de fuir dans l’urgence vers Alger, Khaled Nezzar (85 ans) est désormais condamné à passer sa fin de vie en Algérie, ou en prison. Il faut rappeler que Nezzar a déjà été opéré aux Etats-Unis, au milieu des années 90, en vue d’extraire une tumeur au cerveau.
Pour avoir révélé ces informations sur sa maladie, le journaliste algérien en exil, Hichem Aboud, a été copieusement insulté par Khaled Nezzar en personne, dans une brève sortie vocale, mercredi dernier. Il l’a ainsi traité de «fils de gobi», gobi étant, en jargon militaire colonial, un soldat inculte qui n’a aucun grade. Il s’agit là d’une référence à la carrière militaire de Aboud-père, un ancien moudjahid, devenu journaliste comme le sera son fils.
Il n’en fallait pas plus pour que Hichem Aboud rappelle à Nezzar son passé de harki, hérité de Nezzar-père qui a servi dans l’armée coloniale comme goumier avant d’engager son fils dans l’armée française, au plus fort de la guerre d’Algérie.
Hichem Aboud a alors promis de rediffuser toutes les vidéos qu’il avait publiées ces dernières années sur les crimes de Khaled Nezzar. Et c’est de l’artillerie lourde qu’il a sortie depuis jeudi dernier, non sans préciser que Khaled Nezzar a choisi, pour s’attaquer, le jour du 34e anniversaire des manifestations du 5 octobre 1988, réprimées dans le sang (plus de 300 morts) par ce même Khaled Nezzar, alors chef d’état-major de l’armée algérienne (1988-1990), puis ministre de la Défense (1990-1993), et membre du haut conseil d’Etat qui a dirigé l’Algérie de 1992 à 1994, après l’assassinat, toujours par Khaled Nezzar, du président Mohamed Boudiaf.
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Hichem Aboud a ouvert ce casier macabre avec un autre crime commis par Nezzar qui a tué de sang-froid son épouse, assassinée d’une balle dans la tête, devant leurs deux fils, Lotfy et Sofiane Nezzar. C’est ce dernier qui a d’ailleurs fini par révéler ce féminicide, à travers un post sur sa page Facebook, supprimée depuis par son frère aîné, Lotfy Nezzar, celui-là même qui voulait récemment monter un commando dédié à l’assassinat des opposants algériens exilés en Europe.
«Maman tu es la première victime du criminel sanguinaire Khaled Nezzar. Ton meurtre a été maquillé et dissimulé par sa bande de criminels aussi», a révélé Sofiane Nezzar en juin 2020.
Dans un autre post, et en réponse à une tentative d’intimidation de la part de son grand frère, qui voulait lui imposer une omerta sous prétexte qu’il loge toujours dans la maison de Khaled Nezzar, Sofiane a encore écrit: «Au néo-colon Lotfy. Je ne loge pas ici, j’y vis. J’y ai grandi avec ma mère parce que c’est sa maison. J’y compte faire grandir mes filles. Par contre, vous, vous avez fait loger une balle dans la tête de ma mère».
S’adressant toujours à Lotfy, il lui assène: «c’est toi qui a évacué le corps de ma mère assassinée par vous. C’est toi qui a évacué la dépouille vers l’hôpital Aïn Naadja avec vos complices. Tu es un criminel qui a maquillé la mort de ma mère…». Pour mettre un holà à ces graves accusations, Khaled Nezzar, encore en Espagne à l’époque, a ordonné aux médecins de l’hôpital militaire d’Alger de dire que Sofiane est «fou» et de l’interner.
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Samedi dernier, le porte-voix médiatique de la famille Nezzar a pris le relais du général sanguinaire en s’attaquant, dans un article illustré par la photo de Hichem Aboud, à tous ceux qui ont révélé la maladie de Khaled Nezzar.
«Ces pauvres fous se font le relais de l’agenda sioniste en attaquant les chefs historiques de notre armée, sur commande du Makhzen marocain, et espèrent gagner des batailles dans le virtuel alors qu’ils ont perdu des guerres dans le réel», y lit-on. Ces «serviteurs et mercenaires des services français, qataris, turcs ou du Makhzen marocain… ont recours à toutes les bassesses pour dénigrer l’armée», écrit encore ce site, avant de conclure: «ces charlatans se transforment tantôt en diseuses de bonne aventure, tantôt en croque-morts ou encore en chroniqueurs funèbres».
Tout ce tapage vise à faire de Khaled Nezzar, non plus le criminel de guerre, auteur de crimes contre l’humanité qu’il est réellement, mais un «héros» ou un «sauveur» de l’Algérie contre l’obscurantisme du FIS. Avec ce statut, il mériterait ainsi d’être enterré à sa mort au cimetière El Alia (le Panthéon algérien).
C’est dans ce cadre que les Algériens et le monde entier ont été surpris par l’hommage indécent rendu le 4 août dernier par le tandem Abdelmadjid Tebboune-Said Chengriha, respectivement chef de l’Etat et chef d’état-major de l’armée algérienne, au profit du duo des généraux retraités, Khaled Nezzar et Mohamed Mediène dit Toufik, deux noms retenus à jamais par l’Histoire comme directement associés à la mort de quelque 200.000 Algériens durant la guerre civile qu’ils ont déclenchée dans les années 90 du siècle dernier.
Ce «certificat d’honneur et de gratitude» remis à Khaled Nezzar et Toufik s'est accompagné, récemment, d’une virulente attaque, menée par leurs porte-voix médiatiques, contre les anciens dirigeants du Front islamique du salut (FIS, dissous) et contre la loi sur la concorde civile, promulguée par Abdelaziz Bouteflika dès son élection en 1999 à la présidence algérienne. Pourtant, si cette loi a prévu l’amnistie pour les islamistes armés repentis, elle a surtout instauré l’impunité totale pour les militaires et agents des services de renseignement algériens qui avaient infiltré les islamistes et tué en leur nom. Cette impunité accordée au haut commandement de l’armée et aux agents de sécurité sera confirmée par la loi portant «Charte pour la paix et la réconciliation nationale» de février 2005, puis par la Commission consultative sur le dossier des disparus, dite Commission Ksentini, qui a exonéré le commandement militaire, à savoir Khaled Nezzar et Toufik, de toute responsabilité dans les cas des milliers de disparus lors de la guerre civile.
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Ce qui est donc reproché aujourd’hui à la loi sur la concorde civile de Bouteflika, ce n’est pas seulement d’avoir mis sur le même pied d’impunité les protagonistes de la décennie noire, aussi bien les généraux que les hommes armés du FIS, mais de n’avoir pu empêcher la focalisation sur les vrais responsables de cette tragédie algérienne, qui ne sont autres que Nezzar, Toufik et leurs bras droits, comme les généraux Said Chengriha, Hassan Aït Ouarabi, Djebbar Mhenna, Nasser El Djenn, Hocine Boulahya… Toute cette bande de galonnés a été pointée du doigt par les manifestations du Hirak (2019-2021), la qualifiant de «Moukhabarat irhabiya» (services de renseignements terroristes), et autres slogans cultes comme «Les généraux à la poubelle».