Les dessous de la saisie d’un bateau qui transporte du phosphate marocain

55.000 tonnes de phosphates marocains étaient transportées par le Cherry Blossom.

55.000 tonnes de phosphates marocains étaient transportées par le Cherry Blossom. . M.L. Jacobs. MarineTraffic

En poussant un juge sud-africain à émettre une saisie conservatoire contre un navire transportant du phosphate marocain, le Polisario et Alger tentent un ultime coup de poker pour relever la tête après le camouflet subi au Conseil de sécurité des Nations unies. Décryptage.

Le 04/05/2017 à 21h41

Ce jeudi 4 mai, le Cherry Blossom, navire battant pavillon des îles Marshall et transportant quelque 55.000 tonnes de phosphate marocain d’une valeur de près de 5 millions de dollars, se trouve toujours bloqué à Port Elisabeth en Afrique du Sud. La veille, une ordonnance temporaire et une saisie conservatoire avaient été émises par un juge sud-africain suite à une requête déposée par le Polisario.

Selon des sources médiatiques néo-zélandaises, la cargaison du navire était destinée à la société «Fertiliser company Ballance Nutrients» et représenterait près d’un quart de ses approvisionnements annuels. Celle-ci a assuré avoir réceptionné une centaine de navires semblables depuis plusieurs années sans qu’elle rencontre le moindre problème. Une autre manière de dire qu’elle s’étonne de cette situation.

«Nous préparons notre dossier juridique et restons très sereins quant à l’issue de cette affaire», indique une source autorisée au sein de l’OCP jointe, ce jeudi, par le360. Cette sérénité vient surtout du fait que pour l’OCP, la commercialisation et l’acheminement de cette marchandise se font dans le total respect des dispositions du droit international. Or, c’est exactement ce qu’est censé vérifier le juge suite à cette procédure de saisie. Son jugement sera prononcé dans l’un des pays les plus hostiles à l’intégrité territoriale du royaume.

Avec l’escale d'approvisionnement de ce navire dans le port d’un pays qui n’a jamais caché son hostilité envers le royaume et qui semble en outre partager les mêmes valeurs qu’Alger, le Polisario ne pouvait espérer meilleur endroit pour se faire remarquer. Une occasion qui s’est, d’ailleurs, présentée dans un contexte où il cherche un moyen de relever la tête, après le camouflet subi vendredi 28 avril lorsque la crainte d’une condamnation du Conseil de sécurité l’a obligé à battre en retraite de Guerguerat.

L’enjeu est donc clair. Il s'agit d'obtenir une décision «historique» d’un juge dans un pays «ami» du Polisario et de l’Algérie, pour en faire une sorte de jurisprudence à faire valoir ailleurs. Celle-ci serait brandie chaque fois que le front séparatiste voudrait bloquer l’acheminement d’une marchandise (phosphate ou autre) embarquée d’un port du sud du royaume vers un pays tiers. Et même si cela ne se concrétise pas, le Polisario espère avec cette affaire intimider les sociétés internationales qui importent des produits du sud du Maroc.

Il reste maintenant à savoir si la justice sud-africaine osera se mouiller dans ce jeu face à la communauté internationale, en outrepassant les règles reconnues au niveau du commerce mondial pour prononcer un jugement plus politique que commercial. Les prochains jours nous en diront davantage.

Ce qu’il y a de sûr aussi, c’est que le Polisario et Alger engagent depuis des années une rude bataille contre ce qu’ils appellent «l’exploitation des ressources naturelles du Sahara occidental». Ils ont établi un dispositif d’alerte et de suivi des bateaux qui quittent les ports du Sahara atlantique. Tout le monde se souvient de l’affaire du bateau “Key Bay“ et de tout le tintamarre provoqué par l’ambassadeur algérien auprès de l’Union européenne, le très bavard Amar Belani, au sujet de ce bateau qui avait embarqué de l’huile de poisson de Laâyoune à destination de Fécamp en France. La bataille de “Key Bay“ a été perdue par le Polisario et son tuteur algérien. Aujourd’hui, ces derniers espèrent sans doute plus de partialité de la part de la justice sud-africaine, en raison d’accointances politiques. C’est peut-être aller trop vite en besogne et faire fi des multiples enquêtes et condamnations dont fait l’objet dans son pays le président sud-africain Jacob Zuma, principal soutien du Polisario. 

Par Younès Tantaoui
Le 04/05/2017 à 21h41