Après un rappel analytique du contenu de ce discours, nous questionnerons ce parti sur son positionnement politique futur et la qualité de ses propositions.
Les résultats des élections du 8 septembre, d’après le secrétaire général du PJD, bien que constituant un recul «surprenant» pour son parti, sont validés, avec un bémol: la victoire des autres reste «incompréhensible». La cause de l’échec est à chercher du côté des conspirationnistes, ennemis du PJD. Aucune allusion n’est faite sur le bilan de gestion des deux mandats exercés, que ce soit au niveau national ou local, pas d’allusion à un vote sanction, aucune tentative de reddition des comptes. Un sujet de satisfaction, le parti, bien que perdant et amoindri financièrement, n’a pas connu la débandade de ses adhérents. Le sentiment de victimisation est toujours présent.
La partie sur le positionnement idéologique est celle qui offre le plus d’intérêt.
Abdelilah Benkirane a tenu à préciser que le PJD n’appartient pas à la mouvance des «Frères musulmans», il s’en est toujours éloigné. Ses membres fondateurs viennent de divers cercles de prédication qui ont rejoint la politique pour mieux promouvoir, au sein d’une société démocratique et pluraliste, les valeurs véhiculées par l’islam. Répondant d’abord à un besoin de plus en plus pressant de la population de «moralisation de la vie démocratique». Le PJD n’a aucune tentation totalitaire, comme cela est/était le cas des «Frères musulmans» en Orient. C’est un parti démocratique, légitimiste et légaliste. Mieux encore, il est disposé à comprendre/accepter certaines décisions de l’Etat, même si elles vont contre ses croyances. Cas de la normalisation avec Israël, la vente d’alcool.
Quant au futur, Abdelilah Benkirane a été très chiche en propositions. Il a tout de même invité ses cadres à prendre acte des évolutions du Maroc. Si la prédication, seule, pouvait permettre de gagner les élections en 2011 et 2016, cela ne sera plus le cas dans l’avenir, un programme complet «s’impose».
Maintenant les choses sont claires, nous sommes en présence d’un parti «démocratique» qui demande à avoir une place sur l’échiquier politique pour promouvoir le référentiel islamique.
Toutefois, il apparaît que le PJD souffre de trois handicaps: l’un idéologique, l’autre moral et enfin l’absence d’un programme économique et social.
Idéologiquement, il lui est souvent difficile de concilier ses positions principielles avec la «raison d’Etat»: normalisation avec Israël, arabisation, légalisation du cannabis. Son électorat et ses soutiens (notamment le Mouvement unicité et réforme) sont désemparés face à son «réalisme» politique vécu comme abandon de ses convictions. Ses capacités défensives/offensives sont mises en doute.
Quant à la pureté morale, la gestion, surtout des communes, malgré les dénégations de Abdelilah Benkirane, a été une expérience où nombre de cadres du PJD ont succombé à la tentation, portant atteinte à l’image du parti. A titre personnel, la retraite généreuse qui lui a été allouée en a rajouté une couche.
Disons que durant ses deux mandats, le PJD s’est banalisé et n’offre plus cette image de droiture qu’il a voulu colporter.
Le PJD peut-il tout en permettant à la sensibilité islamo-conservatrice d’être représentée sur l’échiquier politique, amener des réponses originales aux nouveaux défis géostratégiques, politiques, économiques, sociaux et culturels qui se posent à la société marocaine?
Que pense-t-il de l’Etat social? Du niveau de notre enseignement? De nos ambitions industrielles? Du rôle du tourisme (après pandémie) dans notre développement?
Réaffirmer la primauté du spirituel sur le politique ne suffit plus, le PJD est appelé à redoubler d’efforts pour élaborer un programme original de gouvernement et se doter de capacités gestionnaires en sus de sa sensibilité religieuse.
C’est ce qui lui permettra d’assurer sa survie et de se faire une place parmi les autres.
Les partis chrétiens-démocrates en Europe ont vécu la même expérience après la Seconde Guerre mondiale. En mettant uniquement l’accent sur les valeurs chrétiennes au début de leurs mandats, ils ont perdu de leur influence. Par la suite, ils se sont vite ressaisis en proposant des programmes économiques et sociaux porteurs de progrès. Cela a été le cas en Italie et en l’Allemagne.