A plusieurs reprises, le peuple algérien n’a pas hésité à exprimer la piètre estime dans laquelle il tenait ses dirigeants, ces dernières années.
Il l’a fait pacifiquement. Car il a eu à pâtir de leur brutalité extrême lors de la guerre civile, qui a causé des dizaines de milliers de morts.
Le Hirak a été une première réponse pacifique à l’invitation humiliante adressée au peuple à «renouveler sa confiance» à un président impotent, représenté dans les meetings par son portrait grandeur nature. Gabriel Garcia Marquez vivant en aurait repris l’idée, alirs même que lui, Bouteflika, tournait en dérision les dictatures hautes en couleur d’Amérique Latine. Le très faible taux de participation lors des élections présidentielles et législatives a été l’autre réponse à la volonté de l’armée de perpétuer sa mainmise sur la décision politique. Le mot de la fin a été scandé par les manifestants du Hirak: un «gouvernement civil et pas militaire», exprimant par là le rejet de l’essence même du régime.
Les analystes politiques expliquent la longévité du pouvoir militaire en Algérie par la conviction, présente auprès des élites algériennes, que l’armée et l’Etat sont les seuls détenteurs de la légitimité nationale. Ces deux institutions, qui sont en fait une: l’armée remplaceraient la nation, qui ne retrouve pas dans ce pays ses fondements historiques nécessaires. C’est forte de cette «légitimité» que l’armée, omniprésente depuis l’indépendance, dirige le pays, écrase les opposants, choisi présidents et collaborateurs… Se plaçant ainsi au-dessus de la Constitution du pays.
Porteuse de grands espoirs au début de l’indépendance, elle a rapidement montré son inaptitude à construire une économie moderne capable de répondre aux besoins croissants d’une population en augmentation continue, malgré la disponibilité de financements abondants retirés de la vente d’hydrocarbures.
Nullement alarmée par ses échecs en matière économique: l'échec des choix dirigistes, des industries industrialisantes, d’une libéralisation sous contrôle; la rente pétrolière permettant de subvenir aux besoins internes, en les important de l’extérieur, et d’acheter la paix sociale. Ainsi, après 60 ans d’indépendance, l’économie algérienne ne vend pratiquement pas d’articles manufacturés à l’étranger, 95% de ses exportations sont composées d’hydrocarbures. Au lieu de vendre des biens renouvelables, comme son voisin marocain, elle vend son stock, appelé à s’épuiser... Laissant ainsi son PIB tanguer d’année en année en fonction des cours mondiaux.
Grisés par les succès d’une vague tiers-mondiste, les dirigeants algériens ont préféré se consacrer à une intense activité diplomatique, rêvant d’un monde où leur pays assurerait le leadership d’un bloc compact de pays en développement, jouant les arbitres entre l’URSS et les USA et d’un statut de puissance régionale considéré comme acquis. Entre la chute du mur de Berlin, une guerre civile interne, d’une violence inouïe, et la concurrence d’un Maroc bien décidé à jouer ses chances, ils ont fini par déchanter, même sur ce volet. Le recul de l’influence de la diplomatie algérienne fait l’unanimité des observateurs, au niveau continental et à travers le monde. Les maigres trophées qu’elle exhibe encore: une amitié avec la Russie, bien intéressée des deux côtés, et une deuxième, pleine de nostalgie, avec l’Afrique du Sud, n’impressionnent plus grand monde.
L’incapacité des dirigeants algériens à mettre en place un système politique stable, une économie répondant aux besoins de la population et à vendre une image positive du pays ont exacerbé chez eux le sentiment de la «haine de l’autre». Ce n’est pas de la psychologie à deux sous. C’est le fruit d’études académiques publiquement reprises par le président français Emmanuel Macron. Fragilisés aussi par les résultats des recherches historiques récentes, démontrant l’inconsistance d’une nation algérienne, ils ont redoublé de hargne, d’exigences d’une rente mémorielle, de brutalité, ne reconnaissant que les rapports de force (cf. les déclarations au quotidien Le Monde d’un ex-ambassadeur en poste à Alger).
Le terme de «gâchis» se justifie au vu du bilan des 60 ans de l'histoire récente de l'Algérie. Bien qu’ayant souffert et souffrant encore de l’attitude des dirigeants algériens, les Marocains demeurent attachés aux relations multiples qui les lient aux Algériens. A eux, nous souhaitons une bonne fête.