Nous avons vu la semaine dernière qu’en échange de la remise d’une fenêtre sur la mer Rouge, l’Éthiopie serait disposée à reconnaître la république auto-proclamée du Somaliland. Retour sur l’histoire récente de ce territoire.
Le 18 mai 1991, en pleine guerre civile somalienne, alors que la capitale du pays, Mogadiscio, était quasiment rayée de la carte par les combats entre milices tribales rivales, la république du Somaliland, territoire de 285.000 km2, fut déclarée indépendante. Non reconnue par la communauté internationale, l’ancienne colonie britannique du Somaliland, voulait devenir le cinquante-quatrième État africain.
Depuis plus de trente ans, le Somaliland se bat donc pour faire reconnaître son existence internationale. L’argument des autorités d’Hargeisa, sa capitale, est qu’il ne s’agit pas d’une revendication sécessionniste, mais de la «dissolution d’une union qui a échoué», donc, d’un simple retour à la situation qui prévalait avant cette union.
En effet, le pays a déjà existé en tant qu’État, puisqu’il a accédé à l’indépendance le 26 juin 1960, quatre jours avant la Somalie, la fusion entre les anciennes colonies britannique et italienne ne s’étant faite par un vote du parlement que le 1er juillet 1960. Peu de temps après ce mariage, le divorce fut consommé et l’ancien Somaliland britannique chercha une première fois à se séparer à l’amiable de la Somalie. Comme Mogadiscio refusa cette séparation, en 1981, le Somaliland rompit unilatéralement avec la Somalie. La répression du régime du général Syad Barre fut alors féroce. En 1988, Hargeisa, la capitale, fut quasiment rasée et des milliers de morts furent à déplorer. L’on estime que 10% de la population du pays fut alors massacrée ou perdit la vie dans les combats.
Aujourd’hui, plusieurs arguments militent en faveur de l’indépendance du Somaliland:
- Il s’agit de la seule région de la Somalie où fonctionne un minimum d’État.
- Le pays a une position stratégique dans la région de la Corne de l’Afrique.
- Son indépendance lui permettrait de jouer un rôle officiel et déterminant dans la lutte contre la piraterie. Le Somaliland a ainsi proposé d’emprisonner sur son sol les pirates dont ne savent que faire les Occidentaux.
- Peuplé d’environ cinq millions de personnes, le pays est potentiellement riche de son pétrole en off-shore. En janvier 2023, les autorités ont annoncé puis confirmé la découverte d’importants gisements de pétrole près de la frontière éthiopienne.
Les faiblesses du Somaliland sont cependant réelles. Comme dans toute la Somalie, le clan joue ici le rôle diviseur et identitaire tout à la fois que l’ethnie tient ailleurs en Afrique. Si par-delà leurs affirmations tribales ou claniques, tous les Somaliens appartiennent à l’ethnie somali, la division se fait en effet autour des clans. Le jeu des alliances y est mouvant. Le pays n’ignore donc pas les problèmes qui ont détruit la Somalie, car il est divisé en territoires claniques appartenant essentiellement à l’ensemble issak. Cependant, des tribus minoritaires sont présentes dans la région, à savoir des sous-clans Dard, Gadaboursi et Issa.
Cette mosaïque tribalo-clanique a failli voler en éclats à plusieurs reprises. Aujourd’hui, l’état de fait semble s’imposer et chaque jour qui passe rend de plus en plus improbable le retour du Somaliland au sein d’une Somalie unitaire.
Face à cette volonté indépendantiste clairement affichée, le dogme de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation bloque le processus menant vers l’indépendance, mais les autorités du Somaliland mettent en avant la reconnaissance de l’indépendance de l’Érythrée en 1993, suivie par celle du Soudan du Sud en 2011.