Dans les coulisses de la capitale du Royaume, un nom revient avec insistance, celui de Hicham Sabri, secrétaire d’État chargé de l’Emploi.
À Rabat, on parle moins de sa feuille de route que de la manière dont il finance, seul, le fonctionnement de son département.
L’information a de quoi étonner: pour chaque rencontre, qu’il s’agisse d’une délégation syndicale, d’une mission professionnelle, marocaine ou étrangère, c’est le portefeuille personnel de Sabri qui est mis à contribution, indique le quotidien Assabah dans son édition de ce mercredi 2 juillet.
Selon des sources concordantes citées par le quotidien, le secrétaire d’État ne se contente pas de financer les frais d’accueil.
Il a également payé de sa poche l’équipement de quatre bureaux exigus qu’il partage avec son équipe, allant jusqu’à acheter lui-même une machine à café pour assurer un minimum de conditions de travail.
Cette situation contraste avec le soutien logistique et budgétaire dont bénéficient d’autres secrétaires d’État, notamment ceux issus du Rassemblement national des indépendants (RNI) ou du Parti de l’Istiqlal.
Depuis la publication des décrets d’attribution dans le Bulletin officiel, plusieurs d’entre eux ont vu leur mission renforcée par un accompagnement réel. Sabri, lui, en reste cruellement privé, écrit-on.
Les entraves qu’il subit viendraient de son propre camp. Toujours selon les mêmes sources, Younes Sekkouri, ministre de l’Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences, et camarade partisan de Sabri au sein du PAM (Parti authenticité et modernité), aurait délibérément isolé le secrétariat d’État.
Il aurait “instruit les hauts responsables de son ministère de ne fournir aucun dossier, document ou appui logistique au département de Sabri, bloquant de fait toute coordination”, écrit encore Assabah.
Le directeur de cabinet du secrétaire d’État, lui aussi privé de carburant pour ses déplacements officiels, financerait ses déplacements personnels en tandem avec Sabri.
Malgré ces difficultés, l’équipe choisit de rester en poste, par défi et par conviction.
Parmi les projets avortés faute de moyens: une plateforme numérique que Sabri souhaitait lancer pour permettre aux salariés du secteur privé de signaler les abus dont ils sont victimes, notamment en matière de couverture sociale et de retraite.
Le chantier, suspendu en l’absence de budget, visait à offrir une voie de recours directe à quelque six millions de travailleurs non déclarés. Un enjeu capital, tant pour les droits sociaux que pour les finances publiques.
Chaque mois, l’État perdrait environ 500 millions de dirhams en raison de cette fraude massive à la déclaration.
À cela, s’ajoute la prolifération d’emplois précaires et l’explosion du chômage, alimentée par des licenciements abusifs déguisés en difficultés économiques.
Certains employeurs exploiteraient la faille en recrutant temporairement pour cinq mois, avant de mettre fin aux contrats sous prétexte de crise financière, tout en continuant à opérer dans l’informel et en émettant de fausses factures.
Les pertes pour la Direction générale des impôts seraient vertigineuses: 60 milliards de dirhams par an, selon des estimations internes.
Le cas Sabri illustre non seulement un dysfonctionnement gouvernemental, mais aussi la fragilité de la volonté politique lorsqu’elle se heurte aux logiques d’appareil et aux rivalités partisanes.








