25 personnes coupables d’avoir assassiné, le 8 novembre 2010 dans les environs de Laâyoune, 11 agents des forces de l’ordre ont été condamnées en appel, le 19 juillet 2017, par la Cour d’appel de Salé à des peines allant de 2 ans de prison à la perpétuité. L’avocat Hubert Seillan, par ailleurs président de la Fondation maroco-française du développement durable, était l’un des nombreux observateurs venus d’Europe et d’Amérique pour scruter les différentes audiences du «procès de Gdeim Izik» à Salé. Il a consacré à cette affaire un témoignage-reportage, sous forme d’un ouvrage intitulé «Le Politique contre le droit. Le Sahara, les droits de l’homme et le procès de Gdeim Izik», dans lequel il analyse les différentes péripéties, mais aussi les conclusions tirées de ce procès qui s’est déroulé sous haute observation internationale. Un test en matière de respect des droits de l’homme que le Royaume a réussi à passer sans encombre, selon lui, en s’en tenant strictement aux faits et à l’application du droit, malgré les multiples tentatives d’irruption du politique dans le prétoire, une méthode choisie par les prévenus et leurs avocats comme ligne stérile de défense.
Ainsi Hubert Seillan est outré de voir que des criminels, qui ont sauvagement assassiné onze jeunes agents des forces de l’ordre, sont présentés par leurs soutiens comme étant des «défenseurs des droits de l’homme». Une stratégie négationniste visant à occulter les faits criminels en tentant de faire croire que de tels actes se sont déroulés «hors du Maroc», que la Cour de Rabat est «incompétente» et que l’usage de l’arabe comme langue du procès était «illégal» bien que les accusés ne parlent que cette langue. Ainsi l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), qui était venue à ce procès en tant qu’ONG observatrice, a fini par se faire l’avocat, en la personne de la Française Ingrid Metton (avocate pénaliste), de la «défense politique» des accusés, en considérant que les «Sahraouis ne sont pas Marocains».
Le «nationalisme sahraoui» n’existe nulle part
A cette méprise, qui dénote une ignorance crasse de l’histoire et de la géographie de la région, Seillan répond que tous les habitants du Sahara, cet espace de plus de 10 millions de km2 traversant l’Afrique d’Ouest en Est, sont des Sahraouis ayant différentes nationalités selon le pays traversé, dans son sud ou son nord, par ce vaste désert. Il n’y a donc, nulle part dans toute l’Afrique du nord, un «nationalisme sahraoui», mais juste une velléité de séparatisme de certains Sahraouis marocains manipulés par l’Algérie.
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D’ailleurs, à l’appellation Sahara Occidental, une dénomination à connotation colonialiste, Hubert Seillan préfère celle de partie occidentale du Sahara ou Sahara de l’Ouest, qui désigne une région dont il prouve, à travers le rappel de faits historiques saillants, qu’elle a toujours été politiquement, géographiquement et socialement une partie intégrante du royaume du Maroc.
In fine, le procès de Gdeim Izik a été «exemplaire», comme le décrit l’auteur, en ce sens qu’il a servi de modèle d’une application saine du droit pénal, dans le strict respect de l’équité, de la morale et de l’Etat de droit, et ce d’une façon qui n’a rien à envier à ce qui se passe en Europe. Un témoignage confirmé par l’avocat danois (présent au procès de Salé pour le compte d’Human Rights Watch), qui a produit un rapport dans lequel il écrit: «Si tout le monde a semblé conscient d’un contexte infecté de politique, le procès a été mené (par les juges) comme une affaire criminelle normale et pas comme un enjeu politique», fustigeant au passage, comme l’ont fait certains observateurs américains et allemands, des «avocats d’accusés très politisés et non professionnels».
«Le passé dessine l’avenir»
Seillan explique ce verdict par un continuum historique, à travers une rapide rétrospective afin de montrer qu’il relève de la «réalité biologique traditionnelle» du vieux Maroc. En effet, le Maroc, à l’image des empires ottoman, autrichien, hongrois, allemand, mais au contraire du modèle jacobin français trop centralisateur, était un vaste empire décentralisé dont les nombreuses provinces jouissaient d’une certaine autonomie, tout en restant cimentées par un islam malékite et un serment d’allégeance au sultan et donc au pouvoir central. Or puisque le «passé se prolonge dans le présent et dessine l’avenir», comme l’écrit Hubert Seillan, ce dernier a vite fait de faire la jonction avec la régionalisation instaurée récemment au Maroc en tant que modèle de développement démocratique et local, ainsi que l’actuel plan d’autonomie présenté par le Maroc comme solution au conflit créé autour de son Sahara. Régionalisation et autonomie sont en fait une réponse aux exigences de l’appartenance moderne au «concert des nations», en vue de garder toujours solide la communauté des liens historiques qui fait la force et le fondement juridique de ce vieil Etat de la Commanderie des croyants qu’est le royaume du Maroc.
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Une tradition étatique multiséculaire que n’ont pu ébranler les occupations de son territoire par l’Espagne (Sahara et Rif) ou le protectorat français qui n’a jamais réussi à faire du Maroc une colonie asservie, mais a très souvent respecté ses institutions et traditions.
Le maréchal Lyautey qui a servi successivement en Algérie au Maroc en a déjà donné une bonne illustration dans les années 20 du siècle dernier. Selon lui, le pouvoir en Algérie est comme de la «poussière», que la moindre bourrasque peut emporter. Preuve en est que le pouvoir des Beys établi par les Ottomans n’a pas résisté au premier coup de canon colonial. Une fragilité du pouvoir qui contraste avec le voisin marocain où Lyautey a trouvé des institutions structurées et assises sur de solides socles traditionnels. A tel point que le résident général, quand il se rendait au palais royal, se pliait régulièrement à ces traditions, comme celle qui veut qu’en entrant à chaque fois dans la salle du trône, il doit se courber respectueusement trois fois à intervalles en allant à la rencontre du Sultan.
Enjeux et reliquats de la guerre froide
Mais la faiblesse de l’Algérie n’est pas que dans son pouvoir. Elle est aussi dans la contradiction de ses positions politiques, selon Hubert Seillan. Ainsi, et alors que l’Algérie se veut résolument opposée à tout ce qui est héritage colonial, elle reconnaît néanmoins le «bien-fondé» des frontières léguées par la colonisation. De même que tout en déniant au Maroc toute souveraineté sur son Sahara, l’Algérie finit par lui proposer étrangement de la reconnaître s’il concédait une petite portion de ce Sahara au Polisario !
Mais tout ce cafouillis est dû essentiellement, selon Hubert Seillan, à une amertume des officiers algériens née de leur humiliation lors de la guerre des sables de 1963, sans parler de cette grandiloquence et volonté de leadership régional qui obnubilent l’Algérie, dopée par la «malédiction» du gaz et du pétrole.
Le verdict de la Cour d’appel de Salé a aussi une portée stratégique. A cause du terrorisme qui occupe de vastes territoires au Sahel, en Libye, au Nigéria, en Syrie, en Irak, l’exemplarité du procès de Gdeim Izik va servir de dissuasion et de rempart contre les «grands risques de catastrophes, non seulement pour le nord-ouest de l’Afrique, mais aussi pour l’Europe et le monde libre». D’ailleurs, la paix durable qu’a instaurée le Maroc dans ses provinces du sud est la «donnée déterminante de tout développement» durable, non seulement dans cette région, mais aussi dans sa profondeur africaine.
Résumant les enjeux liés aux procès de Gdeim Izik, Claude Jorda, ancien juge à la Cour pénale internationale, écrit dans la préface de l’ouvrage d’Hubert Seillan : «L’histoire, la géographie du nord-ouest de l’Afrique, les droits de l’homme, dans leurs multiples expressions mondiales, permettent aussi de considérer que bien des soubassements de ce procès (de Gdeim Izik) sont des reliquats de la guerre froide du temps de l’Union soviétique.»
«Le Politique contre le droit. Le Sahara, le droit de l’homme et le procès de Gdeim Izik» d’Hubert Seillan. Edtions Non Lieu, Paris, 75 DH. 2019. 206 pages.