Dans un tweet publié le vendredi 5 juin à 18h26, l’ambassadrice de France à Rabat, Hélène Le Gal, écrivait: «Je remercie Chakib Benmoussa, président de la CSMD (Commission spéciale pour le modèle de développement, Ndlr) et ambassadeur du Maroc en France, de m’avoir présenté ce matin un point d’étape de la CSMD: de très belles perspectives pour le nouveau pacte économique.»
C’est ce «point d’étape» auquel l’ambassadrice de France a fait allusion qui a créé un véritable tollé sur les réseaux sociaux, au Maroc, entre ceux qui récusent et ceux qui soutiennent la «démarche» attribuée à Benmoussa. Surtout que les réfractaires, eux, pensent que Chakib Benmoussa a divulgué, en primeur, le contenu du rapport qu’il doit remettre au roi Mohammed VI. Ce dont se défend l’intéressé lui-même, ainsi que les membres de la commission qu'il préside.
Sous le titre «Une tempête dans un verre d’eau», le quotidien Al Ahdath Al Maghribia rapporte, dans son édition du 8 juin, que le tweet de la diplomate française a effectivement soulevé une importante vague de réactions sur les réseaux sociaux. Des simples internautes aux hommes politiques, en passant par les acteurs associatifs: ils sont nombreux à demander la démission pure et simple de Chakib Benmoussa, sous prétexte d’«ingérence dans les affaires marocaines», «atteinte à l’indépendance et à la souveraineté du pays»…
Mais, selon le professeur universitaire Rachid Lazrak, questionné par Al Ahdath, ceux qui critiquent la rencontre de Chakib Benmoussa avec Hélène Le Gal oublient que le modèle de développement en gestation, dont Benmoussa est chargé de tracer les contours, n’a aucune chance de réussir sans les consultations et avis des partenaires extérieurs du Maroc. D’ailleurs, dans sa mise au point, la Commission spéciale du nouveau modèle de développement précise, dans un tweet, que ce n'est pas la première fois que Chakib Benmoussa consulte des ambassadeurs ou représentants d’organismes internationaux accrédités au Maroc dans l’objectif de peaufiner le rapport qu’il doit remettre au souverain.
Ainsi, selon Abdallah Tourabi, chargé de communication de la CSMD, Benmoussa avait déjà rencontré de nombreux ambassadeurs et représentants d'organismes internationaux, avant sa rencontre avec Hélène Le Gal qui a eu «lieu à la demande de l’ambassadrice. Les deux parties ont surtout discuté de la crise actuelle et de ses effets, ni plus, ni moins».
Pour sa part, le quotidien Al Massae précise que les discussions entre Benmoussa et Hélène Le Gal ont aussi porté sur les relations maroco-françaises et franco-africaines dans le domaine de la lutte contre la propagation du Covid-19. De même, les deux parties ont abordé l’approche participative, unique en son genre, adoptée par le CSMD en vue d’établir son rapport final. Mais le contenu de ce rapport n’a nullement été discuté.
Le quotidien Assabah indique que les détracteurs de Chakib Benmoussa lui ont surtout reproché d’avoir divulgué le contenu du rapport avant qu’il ne soit remis au roi. Ainsi, qu’il s’agisse de la Jeunesse istiqlalienne qui a sorti un «communiqué incendiaire» contre le président de la CSMD, d’Amina Maelainine (PJD) qui dénonce le néo-colonialisme français tout en rappelant que l’ancien ministre de l’Intérieur avait déjà vertement rappelé à l’ordre Abdelilah Benkirane en 2009, ou Mohamed Ouzzine (ancien ministre harakiste) qui estime que Benmoussa a violé les «règles de la bienséance»: tous ont trouvé dans ce tweet «anodin» de la diplomate française l'occasion de régler de vieux comptes avec Chakib Benmoussa.
Au final, il s'agit bien d'une tempête dans un verre d'eau, puisqu'aucun draft du Rapport Benmoussa sur le nouveau modèle de développement n’a été divulgué, pour la simple raison qu'il est loin d'être bouclé. Dailleurs, la mouture définitive du travail de la CSMD ne sera remise au roi Mohammed VI qu’en janvier 2021.