Quand Bachir Dkhil s’exprime sur le dossier du Sahara, c’est à une véritable leçon de géopolitique qu’il se livre, et cela vaut le détour à plus d’un titre. Filmé par Le360, ce fin expert en la question, ancien membre dirigeant du Polisario, nous explique les soubassements de la nouvelle position de l’Espagne et son soutien dorénavant clair et sans ambages à l’option d’autonomie sous souveraineté marocaine de ce territoire.
Pour Bachir Dkhil, l’Espagne agit ainsi par véritable conviction et après une longue réflexion où se mêlent ses intérêt propres, mais aussi ceux de la région. La conclusion en est que la seule solution au conflit est l’autonomie. «Le chef du gouvernement espagnol a été clair en parlant dans son message adressé au souverain d’une seule solution, au singulier et non au pluriel. Pour Madrid, seul le projet d’autonomie est en mesure de régler cette affaire», artificiellement créée par le régime militaire d’Alger, a-t-il déclaré.
Cette position a le mérite de ne pouvoir se prêter à aucune forme d’interprétation, mais ce n’est pas une nouveauté, dit Dkhil, qui a rallié le Maroc en 1992, après de longues années passées à Tindouf. Pour lui, l’Espagne avait déjà livré sa position en 1975 en quittant les provinces sahariennes dans le contexte de la Marche Verte. «L’Espagne n’a d’ailleurs jamais reconnu officiellement le Polisario. En 1995, le voisin du nord avait même expulsé Mohamed Boukhari, le représentant des séparatistes à Madrid. Il faut au demeurant se garder de confondre position officielle de Madrid et thèses séparatistes portées par des associations et certains partis politiques d’extrême-gauche en Espagne», prévient-il.
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En 1952, se souvient ce brillant cadre sahraoui, «il y avait aussi une tentative de solution menée par Franco en faveur du Maroc pour régler ce problème avec le soutien de la France», précise-t-il. La nouvelle position espagnole est donc logique, d'un point de vue historique. Elle s’inscrit dans le stricte cadre de la réalité sur le terrain et de la légitimité du Maroc sur ses provinces sahariennes, soutient Bachir Dkhil.
«L’Occident sait parfaitement où résident ses intérêts géostratégiques et géopolitiques. Il en va de même pour l’Espagne. Il défend aussi la stabilité de toute la région et le Maroc joue un grand rôle dans cette stabilité», explique cet ancien dirigeant du Polisario. En cela, Madrid tient en compte les conclusions d’un rapport du puissant think tank espagnol, Instituto Elcano, selon lequel «le Sahara est un ensemble de tribus non homogènes qui ne peuvent assurer et constituer, seules, un Etat».
L'autonomie, un gage de stabilitéA cela il faut ajouter une menace de taille. Le Sahara est «la porte du Sahel, région instable où sévissent violences, trafics en tous genres et groupes terroristes». Pour assurer la stabilité de la zone, il ne peut donc y avoir un nouvel Etat, qui plus est sera des plus fragiles et des plus dépendants.
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Pour Bachir Dkhil, la position de l’Espagne est également en totale conformité avec la résolution de l’ONU de 2007. Aujourd’hui donc, «il n’y a plus de différend entre le Maroc et l’Espagne. Le pays voisin compte par ailleurs 17.000 sociétés au Maroc et les échanges commerciaux bilatéraux se chiffrent à 16 milliards d’euros. Après les Etats-Unis, le Maroc est, selon lui, le deuxième partenaire économique de l’Europe. Et je vois mal une telle qualité des relations partir en fumée à cause d’une chimère», commente cet expert.
La nouvelle position de l’Espagne, assure Bachir Dkhil, va contribuer de manière significative à un règlement rapide de la question du Sahara. En face, l’Algérie et le Polisario «ne veulent, à l’évidence, pas de solution». «Les généraux algériens adoptent une politique d’agitation envers le Maroc et utilisent le Polisario comme moyen en gardant toujours à l’esprit la guerre des sables», rappelle-t-il.
Selon Bachir Dkhil, le régime algérien n’a par ailleurs construit «aucune infrastructure» dans les camps de Tindouf (dans le sud-ouest algérien). «Il n’y a même pas un hôpital et les habitants des camps paient eux-même l’électricité qu’ils consomment». Le régime algérien s’est néanmoins trahi en révélant, par le retrait de son ambassadeur à Madrid, qu’il était bel et bien «partie prenante au conflit, alors qu’il ne cesse d’affirmer être un simple observateur. Les masques sont donc tombés et il faudra jouer franc jeu à l’avenir.