La frontière algéro-marocaine: de la Méditerranée à Figuig

Bernard Lugan.

Bernard Lugan.

ChroniqueLa convention de Lalla Maghnia fut ultérieurement complétée sur des points mineurs par les accords de 1901 et 1902, mais sans toutefois que soit fixée une frontière précise. Cette frontière ne fut donc pas bornée, car les Turcs n’avaient jamais occupé le Touat, le Gourara et le Tidikelt, régions marocaines de temps immémorial où les sultans du Maroc nommaient les gouverneurs, les caïds, les cadis et les oumana.

Le 19/12/2023 à 11h01

Le Maroc fut très largement amputé par la colonisation de toute sa profondeur saharienne. Notamment de ses provinces sahariennes comprises entre Figuig et la région du Touat (les Oasis) d’une part, ainsi qu’entre le Drâa et les actuelles frontières de la Mauritanie et du Mali d’autre part.

L’histoire de ces amputations qui se firent au profit de l’Algérie est la conséquence de la bataille d’Isly qui, le 14 août 1844, opposa l’armée du Maroc à celle de la France.

Le 10 septembre un traité de paix fut signé à Tanger entre le «Sultan du Maroc et Louis-Philippe, Empereur des Français». Deux remarques à ce propos:

1. Au 19ème siècle, c’est à Tanger que les sultans avaient installé le siège du ministère des Affaires étrangères du Maroc, à Dar Niaba el Cherifa où les Naïb servaient d’intermédiaires entre le Makhzen et le corps diplomatique étranger. Ainsi, le sultan limitait-il les pressions et les interventions des Puissances dans les affaires intérieures du royaume.

2. Louis-Philippe était «Roi des Français» et non «Empereur des Français». Alors, pourquoi cette singulière référence impériale? La réponse est simple et il s’agit d’un usage diplomatique peu connu qui était que, depuis le roi François 1er, le roi de France prenait toujours le titre d’empereur dans les actes passés entre la France et une puissance musulmane.

Comme le traité de Tanger prévoyait d’établir une délimitation frontalière entre le Maroc et les possessions françaises de la future Algérie, le 18 mars 1845 fut donc signée la Convention de Lalla Maghnia.

Dans son premier article, cette dernière stipulait que «les limites qui existaient autrefois entre le Maroc et la Turquie» resteraient «les mêmes, à savoir l’Oued Tafna».

Comme la colonie turque de la Régence d’Alger n’avait d’autorité que sur une petite partie de l’actuelle Algérie, la Kabylie, les plateaux du Sud, le Sud-Oranais lui échappaient, en effet, et comme les régions sahariennes lui étaient inconnues, la délimitation frontalière fut donc très partielle.

La Convention de Lalla Maghnia distinguait trois secteurs:

1. Premier secteur:

De la Méditerranée jusqu’au col de Teniet-Sassi, soit sur 120 kilomètres environ, la frontière était celle qui existait entre le Maroc et l’Empire ottoman avant 1830, date de la prise de contrôle par la France (art. 3).

2. Deuxième secteur:

De Teniet-Sassi jusqu’à à Figuig, soit environ sur 250 kilomètres, il était procédé à une simple répartition des tribus et des «kessours» (Ksour) entre le Maroc et l’Algérie française (art. 4 et 5).

La convention de Lalla Maghnia fut ultérieurement complétée sur des points mineurs par les accords de 1901 et 1902, mais sans toutefois que soit fixée une frontière précise. Cette frontière ne fut donc pas bornée, car les Turcs n’avaient jamais occupé le Touat, le Gourara et le Tidikelt, régions marocaines de temps immémorial où les sultans du Maroc nommaient les gouverneurs, les caïds, les cadis et les oumana.

Dans ma prochaine chronique, nous verrons ce qu’il en fut du Troisième secteur, au sud de Figuig.

Par Bernard Lugan
Le 19/12/2023 à 11h01