A défaut de trouver preneur pour ses idées révolutionnaires sur «The Economist» qu’il dit lire assidument, le patron de Richbond s’offre un coup de promotion sur le «Financial Times». Dans un récent article que le FT lui consacre, anniversaire de son groupe servant comme alibi, Karim ressasse la même chanson qu’il fredonne depuis des années.
A ses yeux, le Maroc est un pays stable et propice aux affaires. Il loue l’implantation de grands groupes industriels étrangers et l’initiative d’ouverture du Maroc sur l’Afrique qui a permis à des investisseurs Marocains, dont Richbond, d’élargir leurs horizons – et évidemment gonfler leurs portefeuilles.
Mais au lieu de montrer de la gratitude envers la voie royale qui a été tracée pour lui faciliter de s’implanter en Afrique, l’homme d’affaires sait que son meilleur ressort pour faire parler de ses entreprises est encore et toujours de s’élever en tant que milliardaire de gauche qui bénéficie de la vision stratégique d’un régime tout en le vilipendant.
Karim Tazi sait bien que l’ancrage africain dont il parle n’a été possible que grâce à l’implication personnelle du roi. C’est cette implication et un travail de longue haleine qui ont permis à Karim Tazi de lancer la construction de deux usines en Côte d’Ivoire et de se lancer dans la promotion immobilière dans ces contrées où peu d’investisseurs se hasardent sans avoir la certitude d’être soutenus.
Karim Tazi aurait tout simplement pu avouer que c’est grâce à la stabilité de ce pays, dont la monarchie est garante, que son business va bien et engrange des bénéfices depuis des décennies. Mais comme il y a toujours un mais avec le «mécène» des Lhaqed et autres révolutionnaires de la 25ème heure, la cadence du changement n’est pas à son goût. Il se plaint des poursuites contre les militants des Droits de l’Homme et des journalistes, sans toutefois les nommer.
S’agirait-il de Ouafae Charaf incarcérée pour dénonciation d’un crime qui n’a pas eu lieu ? Ou alors de Hicham Mansouri, qui n’a jamais été journaliste, emprisonné pour avoir profité des faveurs d’une femme mariée ? Sinon de Maâti Monjib, le grand historien qui a détourné 3 millions de dirhams ?
Non seulement Karim Tazi n’en dit pas un mot, mais il nous sert un autre mystère à la place. Pour lui, des cercles du pouvoir et des responsables sécuritaires guettent le moment propice pour un retour en arrière et la remise en cause des quelques acquis de ces dernières années.
Karim Tazi ne nous dit pas de qui il parle exactement. Il devrait pourtant avoir le courage de nommer ces «nostalgiques» d’une ère révolue qui seraient dans l’entourage du roi et de désigner qui dans les services sécuritaires entrave la marche du pays vers la démocratie. En homme qui sait compter, Tazi sait ou devrait savoir qu’on ne produit pas de résultat sans être précis. Et il ne sert à rien de pointer du doigt des dysfonctionnements sans les nommer.
Qui parmi les responsables sécuritaires serait donc tenté par un retour en arrière ? Serait-ce le pacha de Aïn Sebaâ ? Le moqaddem du quartier Polo ? Ou alors l’inspecteur des impôts ?
Karim Tazi montre encore une fois que l’ouate, les ressorts et les couvre-lits ne font pas bon ménage avec l’analyse politique.
Il y a cependant plus important dans cet article qui ressemble à un publireportage sur les entreprises Tazi où on mêle des considérations politiques comme pour faire diversion sur l’aspect promotionnel de la marchandise à vendre. L’article en devient hybride, quasi-monstrueux. Il y est question à la fois de la critique du régime et des louanges des entreprises de M. Tazi.
L’aspect réclame est tellement criant qu’il est clair que la critique politique n’est qu’un alibi pour vendre les produits de Tazi. Karim Tazi fait donc recette en vilipendant le régime. Il s’élève en figure de la défense des réformes démocratiques pour vendre ses matelas et autres articles. Cette technique de vente est sans avenir.
Car non seulement M. Tazi mord la main qui le nourrit, mais la mythologie qu’il a créé autour de la création des entreprises de son père (un pur produit de l’arbitraire de la nationalisation) risque de s’effondrer comme un château de carte à l’épreuve d’un simple exposé d’un étudiant qui poursuit des études dans l’histoire contemporaine du Maroc.