Géopolitique maghrébine: un spécialiste explique comment l’Algérie se trompe sur toute la ligne

Abdelmadjid Tebboune s'adresse aux Algériens dans une vidéo postée sur Twitter, le 13 décembre 2020.  . DR

Kader Abderrahim, spécialiste de la géopolitique maghrébine, revient sur les récentes réactions de l’Algérie aux derniers développements dans la région. Il explique comment le voisin de l’Est continue de rater ses rendez-vous avec l’Histoire.

Le 28/12/2020 à 10h04

Alors que l'Algérie s'embourbe dans une guerre médiatique, faite de propagandes, allant jusqu'à réchauffer des "actualités", datant de 2017, comme vient de le faire l'agence d'Etat APS, dans l'espoir de broyer du grain anti-marocain, des experts en relations internationales appellent le régime algérien à reconsidérer l'héritage du boumédiénisme.

Kader Abderrahim est spécialiste de la géopolitique maghrébine. Directeur de recherche à l’Institut de prospective et de sécurité en Europe (l’IPSE), il revient, dans un entretien avec le média Sputnik, sur les derniers développements dans la région suite à la décision des Etats-Unis de reconnaître la marocanité du Sahara et la reprise des relations entre le Maroc et Israël. 

A Alger, la réaction officielle a été de considérer tous ces développements comme étant une menace à sa sécurité. Normal, avec un régime militaire qui voit des ennemis partout, alors que les enjeux sont justement ailleurs.

«Alger aurait mieux fait de chercher des alliés parmi les pays de son entourage immédiat», explique Kader Abderrahim. Et, évidemment, le pays le plus indiqué dans ce contexte, aussi bien par sa stabilité que son poids continental et régional est le Royaume du Maroc.

«L’Algérie est la seule entité étatique à apporter aujourd’hui une aide diplomatique, militaire et logistique au Polisario tout en abritant aujourd'hui sur son territoire plus de 40.000 réfugiés», affirme le géo-politologue. Selon Kader Abderrahim, la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara par l’«un des principaux, sinon le principal acteur en matière de relations internationale, les Etats-Unis» marque un échec diplomatique de l’Algérie.

De ce fait, l’Algérie se tire une balle (un euphémisme) dans le pied et choisit de davantage s’isoler. «Sur ce dossier-là, l’Algérie se retrouve marginalisée et isolée», estime le chercheur, dont l’analyse rappelle l’approche de l’ex-président tunisien Moncef Marzouki pour lequel l’Algérie a dangereusement péché en entravant la construction d’un Maghreb fort, complémentaire et intégré. 

«L’Algérie dépend grandement de l’extérieur, puisqu’elle ne fabrique quasi-rien. Ne serait-ce que pour son approvisionnement alimentaire. Ainsi, pour le militaire, l’Algérie dépend beaucoup de la Russie, même si désormais elle achète beaucoup à la Turquie», ajoute Kader Abderrahim.

Selon le spécialiste en géopolitique maghrébine, «il est illogique dans ces circonstances de s’isoler des voisins immédiats, avec qui [l’Algérie] devrait entretenir des relations qui sont plus grandes que celles de simples voisins du fait de leur proximité culturelle et cultuelle».

«Face aux menaces de l’instabilité régionale, du terrorisme et des trafics, Alger aurait mieux fait de chercher des alliés parmi les pays de son entourage immédiat, qui ont les mêmes préoccupations et les mêmes intérêts», détaille le spécialiste, qui déplore cet autre rendez-vous avec l’Histoire manqué par le régime d’Alger. «L’Algérie a raté son intégration régionale. Cette oumma maghrébine aurait pu être une force pour le développement, mais également pour la sécurité face à la menace terroriste émanant du Sahel et de la Libye», explique Kader Abderrahim.

«L’Algérie est le seul Etat à avoir des frontières communes avec les quatre autres pays du Maghreb. Il devrait donc lui revenir la responsabilité de prendre l’initiative diplomatique pour inverser cette tendance. Elle ne le fait pas et est donc isolée diplomatiquement», conclut le chercheur.

Par Mohammed Boudarham
Le 28/12/2020 à 10h04