La Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) poursuit ses investigations dans l’affaire de la cession, du temps du wali limogé Abdelfattah Labjioui, de biens immobiliers et de terrains appartenant à l’Etat dans la ville de Marrakech. Le quotidien Al Ahdath Al Maghribia rapporte, dans son édition du jeudi 5 novembre, que des promoteurs, des hommes d’affaires, ainsi que certains élus ont été auditionnés, la semaine dernière, par la BNPJ. Il faut rappeler que certains de ces terrains, cédés à des prix modiques, étaient destinés à accueillir des projets socioéconomiques. Pis encore, certaines cessions concernaient des terrains sur lesquels devaient être bâtis des projets économiques, culturels et touristiques dans le cadre du projet royal «Marrakech, cité du renouveau permanent».
Les bénéficiaires (élus et agents d’autorité) de cette spéculation ordonnée durant la période 2016-2018 revendaient ces biens, en l’état, en faisant des bénéfices colossaux. L’affaire a éclaté quand des acteurs de la société civile ont enregistré, dans une vidéo devenue virale, les lieux concernés par ces cessions illégales. Il n’a pas fallu longtemps pour que l’Association nationale de la protection des droits de l’Homme compile ce dossier tentaculaire et dépose une plainte devant le parquet. L’affaire a pris une autre ampleur avec l’implication du wali révoqué, Abdelfattah Labjioui, du directeur de l’Agence urbaine, emprisonné dans le cadre d’un autre dossier, ainsi que de différents responsables de plusieurs secteurs et administrations en lien avec le domaine de l’urbanisme.
Le quotidien Al Ahdath Al Maghribia rapporte que cette spoliation subtile du foncier de l’Etat a permis à certains élus de se convertir en promoteurs immobiliers en transformant les biens des Domaines en projet privés juteux. La BNPJ s’est penchée sur le mandat du Conseil de la commune de Marrakech pendant la période 2009-2015, où plusieurs lots de terrains du domaine de l’Etat ont été attribués à des personnes physiques et morales. Il s’agit notamment de l’acquisition de trois lots de terrains par le Conseil municipal pour la construction d’une gare routière, d’une station de taxis et l’extension du marché municipal. Si la construction de la gare routière a été entamée, il n’en fut rien pour les deux autres projets qui ont été cédés à deux sociétés pour y construire un hôtel et une station-service. L’un des conseillers communaux a bénéficié d’un bien foncier de l’Etat pour le prix modique de 620 dirhams le mètre carré dans le but de construire un lotissement après avoir expulsé, de force, de pauvres locataires.
La construction d’une école publique a failli être annulée quand l’ancien wali a autorisé une société privée à édifier, sur le terrain qui lui était réservé, une station-service, un restaurant et un café. L’affaire avait fait scandale, avant que le nouveau wali n’intervienne pour annuler cette transaction douteuse et remettre sur les rails le projet de la construction d’un établissement scolaire. La course à la spéculation foncière s’est étendue à des espaces historiques comme le Riad de «Dar Zniber», près du Palais de la Bahia, lui aussi programmé dans le projet royal «Marrakech, cité du renouveau permanent». Et comme les spéculateurs ne sont jamais rassasiés, ils ont investi le monde rural pour s’accaparer des dizaines d’hectares où ils ont construit des lotissements sur des terrains réservés, initialement, aux espaces verts.