Exercice militaire conjoint Maroc-France: les dessous de l’hystérique réaction de l’Algérie

Lors de l’exercice militaire conjoint Maroc-France, baptisé «Chergui 2022», qui s'est déroulé du 1er au 25 mars 2022, dans la région d’Errachidia.

Le régime d’Alger s’indigne bruyamment des manœuvres militaires maroco-françaises «Chergui 2025», les qualifiant de provocation, alors qu’elle-même multiplie les exercices, seule ou avec la Russie, à la frontière marocaine. Derrière cette agitation se cache une manœuvre bien rodée: détourner l’attention des vrais sujets de tension avec Paris (Boualem Sansal, arrestations arbitraires, barbouzeries en France, OQTF…) vers un affrontement géopolitique fantasmé, mais autrement plus honorable.

Le 07/03/2025 à 14h01

C’est le branle-bas de combat en Algérie, et l’indignation est à son paroxysme. En cause, la perspective d’exercices militaires conjoints entre le Maroc et la France, dans le cadre de la désormais rituelle opération «Chergui», dans le centre-est du Royaume, précisément à Errachidia. Alors que ce rendez-vous est prévu de longue date et n’est programmé que pour septembre prochain, le régime d’Alger y trouve ici et maintenant motif à dénonciation. Des hautes autorités et leurs réactions officielles jusqu’aux médias à la solde du pouvoir, c’est la même musique partout en Algérie.

Hier, jeudi 6 mars, l’ambassadeur de France en Algérie, Stéphane Romatet, était convoqué au ministère algérien des Affaires étrangères. Objet: «Appeler l’attention du diplomate français sur la gravité du projet de manœuvres militaires franco-marocaines, Chergui 2025», indique un communiqué de la diplomatie algérienne. En l’absence du ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, c’est le secrétaire général de ce département, Lounès Magramane, qui a été chargé de transmettre les amitiés du régime d’Alger à Paris. Il s’agit, pour l’anecdote, de la troisième convocation du genre du diplomate français en autant de mois.

Lundi 27 janvier, le même Stéphane Romatet était mandé par le secrétaire d’État chargé de la communauté nationale à l’étranger, Sofiane Chaib, pour s’entendre hurler la «ferme protestation» de l’Algérie face aux «traitements discriminatoires et dégradants» qui auraient été infligés à des passagers algériens à leur arrivée dans les aéroports parisiens. Le 15 décembre, Stéphane Romatet a eu droit à la même admonestation officielle, au lendemain de la diffusion par des télévisions algériennes des déclarations d’un ancien djihadiste accusant la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) française d’avoir cherché à «déstabiliser l’Algérie».

Un Chergui «évocateur»

Pour dénoncer l’exercice militaire maroco-français, Alger a fait encore plus fort. L’appellation même de l’opération est qualifié d’«évocateur». Si le terme Chergui renvoie aux vents chauds qui viennent d’Orient et frappent souvent l’Afrique du Nord, l’Algérie n’y voit que sa position géographique, soit à «l’Est» du Royaume, pour suggérer être la cible indirecte des manœuvres qui se déroulent d’ailleurs «non loin de la frontière algérienne», lit-on. On a beau être à 211 kilomètres de la ville algérienne la plus proche, Béchar, qu’importe. Même en étant parfaitement au fait du caractère hautement paranoïaque du régime d’Alger, on a rarement vu des accusations autant distendues vis-à-vis du réel.

«Le Secrétaire général a précisé à son interlocuteur que cet exercice est appréhendé par la partie algérienne comme un acte de provocation à l’égard de l’Algérie. Il a ajouté qu’un tel acte ne manquera pas d’alimenter la crise qui caractérise à présent les relations algéro-françaises et de porter le climat des tensions entre les deux pays à un seuil supérieur de gravité», ajoute la même source.

«Tout en demandant à l’ambassadeur de France d’obtenir les clarifications nécessaires à ce sujet, le Secrétaire général a invité ce dernier à transmettre à sa hiérarchie la position de l’Algérie telle qu’elle lui a été exprimée », conclut le communiqué.

Un problème de légitimité

Soit. Mais en quoi un exercice militaire, qui plus est routinier, peut-il constituer une provocation à l’égard d’Alger? D’autant plus que les projets communs entre les deux armées sont légion. En décembre dernier, le groupement de commandos parachutistes français de la 11ème brigade parachutiste et les commandos marocains concluaient avec succès l’exercice conjoint «Al Aqrab», qui s’est déroulé du 2 au 13 du mois à Benguérir. Du 20 octobre au 15 novembre 2024, les soldats de montagne marocains et français avaient participé à un entraînement conjoint à l’Oukaïmeden. Mieux, ce n’est pas la première fois que l’exercice «Chergui» a lieu, puisqu’une précédente édition s’est déroulée du 1er au 25 mars 2022 dans la même région. Sans que le régime d’Alger ne s’en émeuve. Toutes ces fois, le pouvoir algérien n’a à aucun moment trouvé matière à polémique. Jusqu’ici.

Il y a d’ailleurs un problème de légitimité. En novembre 2022, comme en février 2023, la Russie et l’Algérie avaient lancé des manœuvres militaires conjointes. Pour «Bouclier du désert-2022», ces exercices ont eu lieu sur la base de Hammaguir, à une cinquantaine de kilomètres de la frontière du Maroc. Idem pour l’opération de février 2023. Sans parler des très nombreux «exercices tactiques» avec munitions réelles qui se déroulent régulièrement à «la troisième région militaire», qui se trouve à la frontière avec le Maroc. Le Maroc n’a à aucun moment réagi, ni officiellement ni autrement, de telles opérations faisant partie intégrante de la souveraineté des États sur leur territoire.

Alors, pourquoi s’offusquer de pareilles manœuvres quand elles concernent le Maroc et la France? Impliquant le Maroc et les États-Unis, l’exercice annuel «African Lion», le plus important de tout le continent, se déroule notamment au Sahara marocain, au nez de l’Algérie et sans que celle-ci n’y trouve à redire. Si ce n’est pas du deux poids, deux mesures, cela y ressemble fort.

Une fuite en avant

La manière quelque peu orchestrée de la réaction algérienne en dit long sur une volonté mûrement réfléchie de «piquer» la France, tout en essayant de faire basculer l’opinion vers un thème autrement plus honorable pour le régime d’Alger, à savoir l’armée. La manœuvre est clairement un moyen de repositionner le curseur de la crise avec la France sur le Maroc. Le Royaume, les nouvelles relations Rabat-Paris, la reconnaissance du Sahara par la France… ces thématiques rentables pour le régime d’Alger ont été reléguées aux oubliettes au profit d’affaires autrement plus compromettantes, comme la détention arbitraire de l’écrivain Boualem Sansal, âgé de 80 ans et souffrant d’un cancer de la prostate, les scandales judiciaires des influenceurs algériens en France et les polémiques à la chaîne concernant les dangereux Algériens sous obligation de quitter le territoire français (OQTF) que le régime refuse d’admettre sur son sol.

Preuve de cette fuite en avant, la convocation du diplomate français a été précédée d’une virulente campagne dans les médias algériens qui ont évidemment reçu l’ordre d’instrumentaliser le sujet. «Il ne s’agit rien de moins que d’une inacceptable provocation», écrit-on sur La Patrie News, qui reprend un document à authentifier résumant le programme de cet exercice. On notera que même les activités culturelles qui y figurent sont présentées comme des actes belliqueux.

Le Soir d’Algérie se surpasse en livrant une lecture géostratégique de comptoir. En fait, depuis son départ forcé du Sahel et d’une partie de l’Afrique de l’Ouest, la France tente de revenir sur cette partie du continent à travers le Maroc. «Si ce plan peut s’appliquer dans quelques secteurs économiques, dans le domaine militaire, cela pourrait s’avérer irréalisable. Pays enclavé, le Maroc ne dispose d’aucune profondeur stratégique. Pour envoyer des drones en direction du Mali, du Niger et du Burkina Faso, pays où sont concentrés les groupes terroristes, la France et son partenaire marocain devront survoler l’espace aérien algérien. Ce qui est impossible», lit-on. Même Sun Tzu n’aurait pas produit une meilleure analyse.

L’exercice aura bel et bien lieu. Plus sérieusement, les manœuvres «Chergui 2025» s’inscrivent dans le cadre de la coopération militaire entre le Maroc et la France. Cet engagement vise à renforcer les capacités des forces armées des deux pays et à favoriser un travail conjoint face aux défis sécuritaires régionaux et internationaux, notamment dans les zones côtières et désertiques, ainsi que dans la lutte contre les organisations terroristes.

Effort désespéré de diversion

L’opération se déroulera en deux phases. La première (CPX) consistera en un exercice de leadership et de simulation, au cours duquel des scénarios pratiques seront simulés afin d’améliorer les capacités de planification et la prise de décision conjointe entre les parties. La seconde phase (LIVEX) comprendra des exercices pratiques impliquant des unités terrestres et aériennes dans un environnement opérationnel réel, dans le but d’évaluer l’état de préparation au combat et de renforcer la coordination entre les forces.

Quant aux réactions d’Alger et sa tentative de détourner l’attention sur un sujet qui ne la concerne pas (et qui est au demeurant habituel), elles ne sont rien d’autre qu’un effort désespéré pour masquer le véritable -et bien plus pathétique- visage d’un régime qui manipule toute sa diaspora en France à ses seuls et petits desseins. Un visage dont un des aspects les plus hideux, celui des barbouzeries du régime algérien en France, a été révélé au grand jour par une enquête d’à peine 6 minutes sur France 2. Assez pour que la junte déploie toute une machine de propagande afin de tenter de la déguiser.

Par Tarik Qattab
Le 07/03/2025 à 14h01