Emmanuel ou l’amateurisme

Le président français Emmanuel Macron (à gauche) et le président égyptien Abdel-Fattah al-Sisi posent avant leurs entretiens au Caire, le 25 octobre 2023.. Copyright 2023 The Associated Press. All rights reserved.

ChroniqueOn comprend qu’avec si peu de sens politique, ce même amateur préfère parier sur une junte militaire qui ne cesse de lui faire subir des avanies plutôt que sur un partenaire solide et stable qui ne lui a jamais fait la moindre crasse.

Le 29/10/2023 à 09h00

Depuis quelques semaines, l’actualité est si pleine de bruit et de fureur, de meurtres, de massacres et d’horreurs qu’une bourde diplomatique des plus spectaculaires est peut-être passée sous le radar. L’a-t-on seulement remarquée?

Et quand je dis bourde… C’est plutôt une bêtise, une imbécillité.

Certains ont parlé de ballon d’essai; si c’est le cas, c’est le Hindenburg des ballons d’essai (pour ceux qui l’auraient oublié, le Hindenburg prit feu le 6 mai 1937 lors de son atterrissage dans le New Jersey et ce fut la fin du transport transatlantique par dirigeable).

De quoi s’agit-il? De ceci: d’un petit homme, Emmanuel, qui débarque d’un avion au Proche-Orient et clame qu’il vient proposer à tous les dirigeants de la région de former une coalition pour détruire le Hamas.

Pardon?

«Formons une coalition pour détruire le Hamas», dit-il au président de l’Égypte, au roi de la Jordanie, au prince héritier saoudien, au Vieux de la Montagne, à Blanche-Neige et aux sept nains.

Géniale idée.

Le bonhomme a juste oublié un détail: le Hamas est, d’abord et avant tout, un parti politique, enregistré le plus légalement du monde. Il dispose d’une milice armée, les brigades Izzedine al-Qassam, et ce sont ces miliciens qui ont attaqué Israël le 7 octobre. Mais, qu’on soit d’accord avec sa charte ou non, le Hamas est d’abord un parti politique qui s’est présenté aux élections législatives palestiniennes en 2007 et qui les a remportées. Depuis, il dirige la bande de Gaza. C’est ainsi que la démocratie fonctionne. Mais Emmanuel semble l’avoir oublié. Il propose de chasser par la force un parti arrivé au pouvoir par les urnes. Étonnant, non? Et si c’est ainsi qu’il conçoit la démocratie, pourquoi ne chasse-t-il pas de la France, par la force, le Rassemblement national ou les Insoumis de Mélenchon, puisqu’il ne partage pas leurs idées?

Manu a oublié un deuxième détail: le Hamas, ce sont des musulmans sunnites. Tous les dirigeants de la région et leurs peuples sont, dans leur écrasante majorité, des musulmans sunnites. Emmanuel Macron, catholique fils d’un catholique, Jean-Michel, et d’une catholique, Françoise, propose donc à des musulmans sunnites de se joindre à lui pour tuer quelques dizaines de milliers de musulmans sunnites. Cherchez l’erreur… Et après avoir rasé Gaza ensemble, on fait quoi? On rase le Vatican, pour rétablir un certain équilibre?

Monsieur le président a oublié un troisième détail: le Hamas, ce sont des Palestiniens. Beaucoup de soldats de l’armée jordanienne sont d’origine palestinienne. Il propose donc à des Palestiniens de se joindre à lui pour tuer leurs frères, leurs cousins, leurs amis. Ça va, la tête, monsieur le Président?

Ça fait quand même beaucoup d’oublis… Devant la réaction consternée de ses interlocuteurs, Macron a avalé sa proposition et changé de disque. Mais le mal était fait.

On comprend alors qu’avec si peu de sens politique, ce même amateur préfère parier, au Maghreb, sur une junte militaire qui ne cesse de lui faire subir des avanies plutôt que sur un partenaire solide et stable qui ne lui a jamais fait la moindre crasse.

Mais ceci est une autre histoire.

Par Sanaa Berrada
Le 29/10/2023 à 09h00