Le ministre de l’Education nationale, du Préscolaire et des Sports, Chakib Benmoussa, est déterminé à redonner à l’école publique la place qui lui revient. Il a ainsi insisté, tout au long de la conférence de presse, organisée mardi 6 septembre 2022, pour faire la lumière sur les nouveautés et dernières données relatives à la rentrée scolaire 2022-2023, et sur l’importance de mener une réforme globale pour une école publique de qualité pour tous
Et toute réforme, pour qu’elle soit menée à bien, doit se pencher, en premier lieu, sur le renforcement des ressources humaines et puis, sur leur adhésion. Et le ministre en est bien conscient. Lors de la même conférence, il a annoncé le recrutement de 20.000 nouveaux enseignants et cadres administratifs, portant ainsi à 139.000 le nombre d’enseignants-cadres des AREF qui opèrent dans les quatre coins du Royaume, dont 6.000 cadres administratifs.
Un nouveau statut en gestationIl a également annoncé la mise sur les bons rails du projet du nouveau statut fondamental du personnel de l’Education nationale. Un projet qui traîne depuis des années à cause d’un désaccord entre la tutelle et les centrales syndicales sur un certain nombre de points.
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Le ministre a assigné deux objectifs à cette «grande réforme». Le premier est de «coconstruire un statut unifié de l’enseignant permettant de revaloriser ce noble métier et assurer pour tous les conditions de travail nécessaires à la réussite de la réforme», avait-il annoncé lors de la conférence de presse du 6 septembre 2022. Le second objectif est de «définir ce statut pour qu’il permette de concrétiser la qualité de l’école publique», a poursuivi le ministre.
Selon une source autorisée au ministère, contactée par Le360, «les centrales syndicales ont salué, après leur dernière réunion avec le ministre (du vendredi 9 septembre 2022, Ndlr), le climat de confiance qui a marqué les négociations et ont donné des signaux positifs de ralliement à cette réforme». Et de poursuivre: «des discussions portant sur quelques détails techniques seront menées la semaine prochaine en vue de parvenir à un accord final».
Une semaine déterminanteLa semaine prochaine sera donc déterminante pour Chakib Benmoussa, la commission technique chargée de l’élaboration dudit statut et les centrales syndicales. Ils doivent, en une période de cinq jours, trouver un accord final sur les différents termes du nouveau statut fondamental des fonctionnaires de son département, avant de parapher l’accord final. Si le temps imparti à cette étape est très court, c’est qu’ils doivent tout finir avant la préparation du projet de loi de finances 2023.
La commission technique tiendra ainsi une série de réunions, du 19 au 23 septembre 2022, avec les représentants du ministre, de l’administration centrale, et des centrales syndicales les plus représentatives du secteur de l’enseignement. A l’ordre du jour, la présentation des grandes lignes de la réforme du statut des fonctionnaires de l’Education nationale, la discussion des points conflictuels et la préparation d’une version finale du statut.
Des dossiers en instanceL’optimisme du ministre est partagé par Youness Firachine, membre du bureau national du Syndicat national de l’enseignement (SNE/CDT). Le syndicaliste se dit «satisfait» de l’évolution positive des différents dossiers en lien avec ledit statut. «La commission technique nous a présenté, le 27 juillet dernier, les grandes lignes du statut. On peut dire que les choses avancent bien», a-t-il déclaré pour Le360. Mais, du chemin reste à faire. «D’autres dossiers doivent être pris en compte avant d’arriver à un accord final», précise le syndicaliste.
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De son côté, Abderrazzak Drissi, secrétaire général national de la Fédération nationale de l'enseignement (FNE), tout en regardant la partie pleine du verre, insiste sur le chemin qui reste à faire pour parvenir à un accord final. «Alors que ce statut a pour objectif d’unifier toutes les composantes du ministère de l’Education nationale, on distingue toujours deux catégories, les enseignants du statut de 2003 et les enseignants-cadres des AREF», fait-il remarquer. Pour le syndicaliste, il est aussi important de tourner la page du passé et annuler les poursuites judiciaires contre plus de 70 enseignants-cadres des AREF.
Il convient de rappeler que le tribunal de première instance de Rabat avait condamné, en mars 2022, plus de 40 enseignants-cadres des AREF à un mois de prison ferme chacun, et d’une amende de 1.000 dirhams pour une douzaine d'entre eux. Ces enseignants ont été inculpés pour «violation de l’état d’urgence sanitaire», «coups et blessures et injures à l’encontre des membres des forces de l’ordre», et «participation à une manifestation non autorisée».
Le statut des enseignants-cadres des AREF… le hicLes deux syndicalistes s’accordent sur l’intérêt particulier que portent, syndicats et ministère, au dossier des enseignants-cadres des AREF. «Ce dossier prendra une part importante des réunions prévues du 19 au 23 septembre», note Youness Firachine.
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«Le gouvernement doit faire profil bas et procéder à l’intégration de ces enseignants à la fonction publique», annonce d’emblée Abderrazzak Drissi. Et d’expliquer: «Ces enseignants doivent avoir les mêmes droits que leurs confrères fonctionnaires. Leurs salaires doivent être versés par le ministère, ils doivent profiter de la mobilité nationale au lieu de la mobilité régionale, et être soumis aux mêmes conditions de promotion que celles appliquées pour les recrutés avant 2016». Les AREF peuvent, précise la même source, assurer la gestion administrative de leurs ressources humaines.
Du même avis, le représentant de la CDT précise: «La CDT persiste sur sa position et défend toujours l’intégration de ces enseignants au statut fondamental du ministère». Il s’agit, pour lui, d’une condition, sine qua non, pour parvenir à un accord final.
Le spectre des grèves plane toujoursEn dépit des efforts déployés par les différentes parties prenantes du secteur de l’enseignement pour améliorer les conditions de travail des enseignants, le spectre des grèves plane toujours. Au titre de l’année scolaire 2021-2022, les enseignants-cadres des AREF ont cumulé 45 jours de grèves. Et ils entament l’actuelle rentrée scolaire par un mouvement de protestation contre les prélèvements sur salaires qu’ils ont subis suite aux grèves organisées tout au long de l’année précédente.
Si ce bras de fer, annoncé depuis 2019 entre ces enseignants et la tutelle, se poursuit, cela risque de compromettre les efforts déployés par les différentes parties prenantes du secteur de l’éducation. Chakib Benmoussa, lui, risque de faire aboutir sa réforme sur papier, sans qu’elle n’ait un réel impact sur la réalité.
«Il convient de faire aboutir le chantier de réforme du statut fondamental des fonctionnaires du ministère, car il apaisera la tension que connaît le secteur de l’enseignement et mettra fin aux innombrables grèves des enseignants», précise Abderrazzak Drissi. Pour Youness Firachine, il est nécessaire de «prendre en considération les revendications de ces enseignants et cela doit figurer dans la mouture finale de l’accord». Le syndicaliste regrette, par ailleurs, l’attitude des représentants de ces enseignants qui «ont préféré se retirer des rounds du dialogue social avec la tutelle».