Dans un article intitulé «Maroc-Algérie: que contiennent les archives sur la frontière promises par Macron?», publié le 12 novembre par le site de Jeune Afrique, hebdomadaire africain édité à Paris, ce dernier s’attend à une nouvelle montée d’adrénaline, voire à une colère hystérique du côté du régime d’Alger. Et pour cause, ces archives ne manqueront pas de servir de preuves irréfragables, attestant juridiquement et historiquement qu’aussi bien l’ex-colonie dite «Sahara espagnol» ainsi que de vastes territoires rattachés aujourd’hui à l’Algérie ont de tout temps été des territoires marocains.
Selon ce média, c’est la deuxième fois que la France remet au Maroc des archives concernant ces territoires spoliés par les colonisations française et espagnole dans la région.
Certes, en septembre 2022, quelque 60.000 images de fichiers numériques ont été remises aux Archives du Maroc par la France. Ces documents à caractère ethnographique et sociologique se rapportent aux différentes tribus marocaines du Sahara, dont la mobilité spatiale informe sur l’étendue et l’homogénéité socio-géographique du royaume avant que ces espaces tribaux ne soient charcutés par le tracé aveugle de frontières imposées par la colonisation.
L’objet du transfert de cette première «mine d’informations», comme la qualifie Jeune Afrique, était «avant tout de faire la lumière sur la diversité des tribus marocaines auxquelles le protectorat avait été confronté».
Mais les nouveaux documents que la France s’apprête à remettre au Maroc sont de nature «ultrasensible» car concernant la période pré-protectorale et la création d’une nouvelle entité dans la région, baptisée Algérie française.
Ces nouvelles archives, écrit Jeune Afrique, «évoquent en effet la question ultrasensible des régions-frontières de l’empire chérifien. Des frontières – orientales et méridionales – qui, dès les années 1880, furent émiettées et systématiquement grignotées par la France et l’Espagne, ce qui provoqua la perte de la souveraineté chérifienne sur nombre de ses provinces de l’Est».
Pourtant, lors du traité de paix, connu sous le nom «Traité de Lalla-Maghnia», signé le 18 mars 1845 par le général comte de La Rüe et Ahmida Ben Ali, le représentant du sultan, après plusieurs batailles dont la plus célèbre est celle d’Isly, les frontières furent partiellement délimitées entre l’Algérie française, en cours de création à l’époque, et le royaume chérifien qui existait déjà depuis le 9ème siècle. Cette délimitation n’a porté que sur 165 kilomètres, de la Méditerranée vers le Sud, alors qu’aujourd’hui, la frontière qui va du croisement des trois frontières maroco-mauritano-algériennes au sud jusqu’à la frontière méditerranéenne maroco-algérienne au nord s’étend sur 1.941 km.
C’est dire que durant la création de l’Algérie française, la France n’a pu s’attribuer immédiatement 1.700 km de territoires relevant du royaume chérifien, tant par leur cartographie socio-ethnologique qu’historique et géographique, préférant le faire progressivement.
C’est ce qui explique qu’en 1857, «la partie de bras de fer à laquelle se livrent l’Algérie française et le Maroc pré-protectoral s’intensifie fortement sous le règne du sultan Moulay Hassan ben Mohammed, alias Hassan Ier (1873-1894). Le sultan défie les Français. Dès le début de son règne, le souverain se montre intraitable s’agissant de la défense de l’extrémité sud de son royaume», précise Jeune Afrique, qui rappelle à ce titre que suite à une incursion des troupes françaises, «les habitants du Gourara, du Touat et du Tidikelt, un peu à l’ouest d’El-Goléa qui, depuis l’incursion du sultan saadien Ahmed el-Mansour, en 1583» font allégeance aux sultans du Maroc, ont sollicité l’intervention des troupes du sultan Hassan 1er, connu pour son intransigeance quant à l’appartenance du Touat au royaume alaouite.
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Ce n’est qu’après sa mort que la France réussit, en 1900, à occuper définitivement «toutes les régions du Touat, de Tidikelt et du Gourara, brouillant ainsi perpétuellement dans les sables du désert la frontière historique entre le Maroc et l’Algérie», restée aujourd’hui en pointillé, en attendant d’en savoir davantage avec les nouvelles archives qui seront remises au Maroc par Macron.
Ce qui est certain, c’est que ces nouveaux documents seront décisifs dans les efforts visant à clore définitivement le dossier du Sahara. En révélant comment la France a reconnu à l’Espagne l’occupation du «Sahara chérifien», les archives françaises rétabliront au grand jour le Maroc dans ses droits historiques sur ses provinces du sud. Un avant-goût de cette orientation a été déjà donné par la récente reconnaissance par les gouvernements espagnol puis français de la marocanité du Sahara. Et ce, en connaissance de cause.
«Les 2,5 millions de documents que la France s’est aujourd’hui engagée à restituer au Maroc dévoileront sans doute les coulisses des pourparlers entre Paris et Madrid sur le Sahara, ainsi que les secrets du partage territorial français entre l’Algérie française et le Maroc pré-protectoral. De quoi faire bouger les lignes du tracé frontalier entre deux voisins…», conclut Jeune Afrique.