L’accord de pêche conclu entre le Maroc et l’Union européenne, incluant l’ensemble de la façade atlantique du Royaume, du Cap Spartel au Cap Blanc, arrive le 17 juillet à son terme.
Mais, alors que la date d’échéance est imminente, aucune négociation bilatérale n’est ouverte; pour le Maroc, aucun diktat n’est tolérable.
Pour ne pas changer, les décisions économiques se trouvent soumises aux positions éminemment politiques, en l’occurrence, les décisions finales de la Cour de justice de l’Union européenne.
Côté marocain, c’est clair comme de l’eau de roche: pas d’accord qui ne respecte pas la souveraineté nationale et sans doute pas aux mêmes conditions que les précédents!
Tout le monde avait bien conscience, par ici, du caractère dérisoire des compensations financières, des conséquences de la surpêche sur les écosystèmes et des répercussions sur les marchés locaux et sur la pêche artisanale.
Tout le monde aspire par ailleurs à sauvegarder nos richesses halieutiques et à développer une flotte de pêche performante et une industrie durable.
La non-reconduction de l’accord reste donc pain bénit, d’abord pour le consommateur lambda, qui ne comprend pas la flambée des prix du poisson malgré une double façade maritime et 3.500 km de côtes.
De l’avis des analystes, le principal intérêt de cet accord inéquitable résidait dans l’étendue territoriale qu’il englobait, avec toute sa symbolique.
Les temps ont changé!
Le Maroc d’aujourd’hui n’est pas le Maroc d’hier, avait proclamé le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, sur un autre sujet, mais dans une formule extensible à volonté.
De nombreuses options s’offrent au Royaume, notamment la signature d’accords individuels entre États, qu’ils soient européens en dehors de la couverture de l’Union ou non européens, tels la Russie (unie depuis 2020 par un accord de coopération dans le domaine de la pêche maritime) ou le Japon (avec lequel vient d’être signé un projet portant sur le développement de l’aquaculture).
Le No deal reste de ce fait plus problématique pour l’Union européenne elle-même, où il suscite déjà l’inquiétude, notamment en Espagne, principal bénéficiaire disposant de la majeure partie de la flotte européenne qui pêche dans les eaux marocaines avec 92 licences de pêche sur un ensemble de 138 accordées aux chalutiers de onze pays membres.
Il fut un temps où le caractère commercial de la politique commune de la pêche était «manifeste et assumé», sans s’embarrasser de considérations éthiques et encore moins idéologiques à effet boomerang, diligentées par des cabinets de lobbying.
Dans une contribution éclairante nommée «Le partenariat Union européenne-Afrique dans l’impasse?: Le cas des accords de pêche», le professeur de sciences politiques à l’université de Nouakchott, Zekeria Ould Ahmed Salem, nous éclaire sur le volet historique.
Il expose en substance comment, avec la modification du droit international de la Mer à la fin des années 1970 et en prévision de l’entrée en vigueur, en 1982, de la Convention des Nations unies sur le droit de la Mer, l’établissement de Zones Économiques Exclusives ont permis de placer les ressources halieutiques sous la juridiction d’États souverains, imposant aux flottes européennes de nouveaux accords avec des pays tiers.
Leur principale justification, expliquent de leur côté Dahou Karim et Moustapha Deme (dans «Accords de pêche UE-Sénégal et commerce international»), tenait historiquement à la complémentarité supposée entre des pays en développement disposant de ressources abondantes et de capacités de capture limitées, et des Nations développées confrontées à un problème de surcapacités. Cette justification était assortie d’un certain nombre de conditionnalités qui, pour n’être pas investies d’une valeur normative, n’en ont pas moins été considérées comme indispensables à la conclusion d’accords.
Avec la critique tous azimuts des répercussions de la pêche européenne représentée par ses chalutiers géants et ses bateaux usines et avec la prise de conscience mondiale des enjeux écologiques, se sont ajoutées des considérations liées à l’environnement, à la gestion durable des ressources, à la sécurité alimentaire, au développement économique et social, à la coopération scientifique et technique, au transfert technologique…
Cela n’occulte pas l’incohérence entre la phraséologie volontariste et les conséquences sur le terrain, ni même quelques réalités amères.
Le professeur mauritanien ZOA Salem s’en exprime sans détour: «De façon générale, l’UE use très souvent de chantage et de menaces envers les pays tiers hésitant à ne pas signer avec elle des accords de pêche, en les menaçant de ne pas signer d’accords commerciaux préférentiels par exemple. En dehors de ces effets indirects, la Communauté exerce parfois une pression officielle et ouverte dans les accords eux-mêmes en un chantage à peine voilé (…) dans tous les pays, durant les négociations pour les renouvellements des accords, le secteur local qui exporte vers l’Europe subit toutes sortes de chantages : aides non mobilisées, inspections sanitaires plus drastiques, normes plus lourdes à appliquer, inspections sur place et toutes autres sortes de vexations directes et indirectes».
Ce n’est certainement pas très politiquement correct que de l’écrire, mais cela reste plus honnête que de chercher à noyer le poisson.
Moralité: Au lieu de mordre à l’appât, focaliser sur l’hameçon!