Dans ma précédente chronique, nous avons vu comment, de 1859 aux années 1898, la France agrandit peu à peu sa possession algérienne aux dépens du Maroc. Puis, à partir de 1899, le phénomène s’accéléra.
Le 28 décembre 1899, à Igosten, des assaillants venus d’In Salah, attaquèrent la mission du géomètre Georges Flamand, en charge du relevé topographique de la future ligne de chemin de fer qui devait avancer au-delà d’Ain Sefr. Le capitaine Pein qui commandait son escorte les repoussa, puis il se lança à leur poursuite, obtenant la soumission d’In Salah.
La prise d’In Salah brusqua les événements, car le gouvernement français décida, après quelques hésitations, l’occupation de tout le groupe des oasis du Tidikelt et du Gourara dont Timimoune, la capitale qui fut occupée en 1901, au terme d’une campagne de cinq mois.
Le ministre français Théophile Delcassé voulut ensuite établir un compromis avec le Maroc. Ce furent les Accords des Confins, signés en mai 1902. Ils ne délimitaient pas les territoires entre l’Algérie française et le Maroc, se contentant d’instituer un contrôle commun de la région, ce qui revenait donc à reconnaître qu’elle était possession marocaine.
Puis, dans le courant de l’année 1903, les militaires français voulurent investir la ville de Figuig que le traité signé en 1845, à Lalla Maghnia, avait pourtant explicitement laissée au Maroc. Charles Jonnart, alors gouverneur de l’Algérie, qui était tout acquis à ce plan, vint reconnaître la région. Mais le 31 mai 1903, au col de Zénaga, entre Béni-Ounif et Figuig, alors qu’il allait conférer à Figuig avec un envoyé du Sultan marocain, son cortège fut attaqué. En représailles, le 8 juin, il fit détruire par l’artillerie le village de Zenaga, un des sept ksour composant l’agglomération de Figuig, ce qui provoqua le soulèvement du Tafilalet.
Au mois d’août 1903, quatre mille hommes attaquèrent le poste de Taghit sur la Zousfana, où la garnison commandée par l’adjudant Gabaig fut enlevée. Deux semaines plus tard, une colonne française fut attaquée à El Moungar et trente-six légionnaires, dont deux officiers, furent alors tués.
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Au mois d’octobre 1903, les troupes françaises occupèrent le village de Béchar qui contrôle le Haut Guir, les oasis du Touat et les pistes du Soudan. Comme il n’était pas question de le faire officiellement, car il s’agissait d’un territoire indubitablement marocain, le village fut baptisé Colomb, du nom du général qui avait reconnu la localité en 1870. Ainsi, ce n’était pas une partie du Maroc qui était occupée, mais un lieu inconnu, pour ne pas dire inexistant... Ce sera plus tard Colomb-Béchar, et aujourd’hui de nouveau Béchar, région marocaine rattachée à l’Algérie en 1903.
En juin 1904, les troupes françaises prirent Ras el Aïn, rebaptisée Berguent, une autre partie du territoire marocain. Au mois d’août 1907, les Berbères Béni Snassen vivant dans le massif éponyme, situé entre Berkane au Nord, Oujda au Sud et se prolongeant dans l’actuelle Algérie jusqu’à la hauteur de Nedroma, se soulevèrent. La stratégie française de poussée vers le Maroc à partir de l’Algérie se trouvant compromise, le massif des Béni Snassen fut investi. Le 12 janvier 1908 furent fondés les postes d’Ain Sfa, de Berkane, de Taforalt et de Martimprey (aujourd’hui Aïn el-Hadid en Algérie).
Durant les mois d’avril à septembre 1908, l’agitation reprit dans la partie sud de la région des confins algéro-marocains, notamment dans le Tafilalet et dans la région du Haut Guir. Aussi, le 22 avril, Aïn Chair fut occupée et le 14 mai, ce fut le tour de Bou Denib. Au mois de juin 1910 fut créé le poste de Taourirt et en juillet 1910 celui de Moul el-Bacha sur la Moulouya.