Cannabis: comment l’Intérieur a coupé l’herbe sous le pied des partis

Abdelouafi Laftit, ministre de l'Intérieur.

Abdelouafi Laftit, ministre de l'Intérieur. . DR

En décidant de légiférer pour un usage légal du cannabis, le gouvernement, à travers le ministère de l’Intérieur, a fait barrage contre toute exploitation politique de cette question. Surtout en pleine année électorale. Explications.

Le 24/02/2021 à 12h01

En cette période pré-électorale, la culture du cannabis ne pourra plus être brandie comme une carte maîtresse par les partis politiques dans plusieurs localités du Nord et de l’Oriental. En s’appropriant le dossier avec la préparation d’un projet de loi qui instaure un usage légal réglementé, lequel sera examiné demain, jeudi 25 février, le gouvernement a pris les devants. 

Ce sont surtout deux partis de l'opposition, l’Istiqlal (PI) et le PAM, qui ont pris fait et cause pour les cultivateurs de cette plante, et qui demandent, depuis plusieurs années, une réglementation de la culture du cannabis.

L’Istiqlal a ainsi présenté, dès 2013, une proposition de loi dans ce sens. «Notre proposition a été examinée en commission, mais elle a fini dans les tiroirs pour des raisons que nous ignorons», déclare, interrogé par Le360, Noureddine Moudiane, député d’Al Hoceïma et chef du groupe parlementaire du PI à la Chambre des représentants.

Le PAM, s’est intéressé à cette question, dès sa création, voici à présent 12 ans: «en 2009, nous sommes allés à la rencontre des cultivateurs de kif», se souvient Larbi Mharchi pour lequel, faute d'une réglementation des cultures de cannabis, c’est «l’Etat qui est perdant à 280%».

En 2013, le PAM était revenu à la charge avec deux autres propositions de loi, l'une portant sur la réglementation des cultures du cannabis et la seconde, relative à une amnistie générale dont bénéficieraient ceux qui cultivent le kif et qui font l’objet de mandats d’arrêt, soit plusieurs dizaines de milliers de personnes. Les deux textes ont, eux aussi, fini aussi dans de sombres tiroirs du Parlement.

Les voix du kif?Le kif, ses cultures et ceux qui en vivent sont-ils une carte électorale? Noureddine Moudiane veut porter le débat à un niveau encore plus important.

«Le kif était cultivé par trois tribus, maintenant il l’est dans huit provinces. Avec la décision de l’ONU (de ne plus considérer le cannabis comme un stupéfiant, Ndlr), il est temps de réfléchir à ce dossier de manière sérieuse», répond l’élu istiqlalien. Pour Noureddine Moudiane, «le kif est un produit agricole comme un autre. Le problème c’est la cocaïne et le karkoubi (les psychotropes, détournés de leur usage médicamenteux, Ndlr)». 

L’Istiqlal promet, affirme son chef de groupe parlementaire, de soutenir le projet de loi élaboré par le gouvernement. «Nous allons en étudier le contenu et en discuter les articles, voire essayer de les amender pour le bien de la région et du pays», conclut Noureddine Moudiane.

«Avez-vous jamais vu des fugitifs recherchés qui votent?», ironise, en guise de réponse, Larbi Mharchi pour lequel la décision de l’ONU, actée début décembre 2020, a accéléré la situation au Maroc.

Au-delà des élections et des enjeux partisans, Noureddine Moudiane se dit optimiste pour ces régions du Nord du Maroc. «Nous avons rencontré des délégations allemande, suisse, américaine, israélienne aussi bien au Parlement, qu’au siège de la région, et tous disent vouloir investir dans le secteur du kif, construire des usines et générer de la haute valeur ajoutée et des postes d’emploi», affirme l’élu du PAM, qui révèle que ces interlocuteurs étrangers sont toujours en contact avec le Maroc. Et sont toujours partants, et preneurs de propositions. 

Par Mohammed Boudarham
Le 24/02/2021 à 12h01