Dans les relations entre les États, une crise ne signifie pas forcément la démolition de tout ce qui a été construit auparavant. Le Maroc et l’Espagne viennent d’en donner l’exemple, écrit le quotidien Al Ahdath Al Maghribia dans une tribune publiée dans son édition du jeudi 2 février.
Pour s’en rendre compte, poursuit l’auteur de cet article d’opinion, il suffit de passer en revue les rapports entre les deux voisins, de 2015 à aujourd’hui. La dernière Réunion du haut niveau effectivement eu lieu cette année. Depuis, les changements de la politique intérieure qui se sont succédé en Espagne ont eu un impact sur les relations entre les deux rives du Détroit de Gibraltar. La montée du populisme et de l’extrême droite ont fait ressuscité l’atmosphère de l’époque d’Aznar, au début des années 2000. Cet antimarocanisme a atteint son apogée, aussi bien en Espagne qu’en Allemagne d’ailleurs, au lendemain de la reconnaissance par les Etats-Unis, en décembre 2020, de la marocanité du Sahara. Les deux pays européens ont tenté de remonter la communauté internationale contre cette décision, qui est du reste un pas décisif dans ce dossier.
On se rappelle tous comment le chef de la milice séparatiste avait été introduit en cachette en Espagne. On se rappelle aussi comme le Maroc a décidé de suspendre toute forme de coopération avec ce pays, y compris dans les dossiers les plus sensibles comme la pêche, la lutte contre l’émigration clandestine et contre le terrorisme, la sécurité... Il fallait une riposte souveraine, qui a culminé avec le rappel de l’ambassadrice du Maroc à Madrid.
Dans les coulisse, des contacts ont été initiés patiemment mais avec insistance pour une relecture complète, par l’Espagne, de cette page de ses relations avec le Maroc. Progressivement, le réalisme et la realpolitik ont commencé à prendre place. La réalité européenne, qui a commencé à changer, a également poussé l’Espagne à revoir ses rapports avec son voisin du Sud sous un nouvel angle. Un monde nouveau était, en effet, en train de se former sous ses yeux. L’Espagne a surtout compris que le Maroc nouveau, avec son potentiel économique et ses partenariats internationaux, était en train de créer une nouvelle réalité géopolitique.
On peut dire, souligne le quotidien, que Madrid a fait preuve d’un courage inattendu en balayant d’un revers de la main les incitations, mais aussi les menaces de l’Algérie, optant ainsi pour de nouvelles relations ayant une profondeur stratégique, plutôt que pour une réponse conjoncturelle à des besoins pressants en gaz.
Ce passage d’un ennemi à un partenaire crédible, l’Espagne l’a franchi en clarifiant sa position sur le Sahara, dépassant même la position adoptée par la France de 2007. La différence entre les deux pays européens s’est accentuée plus récemment au sein du Parlement européen. Alors que la France a pris sciemment part à l’agression idéologique contre le Maroc, sur fond de respect des droits de l’Homme, les eurodéputés du parti populaire espagnol ont décidé, eux, de se mettre à l’écart de cet agenda qui ne relevait ni plus ni moins que d’un chantage européen visant le Maroc.