Si la décision des Etats-Unis d’Amérique du 10 décembre 2020, reconnaissant la marocanité du Sahara a eu l’effet d’une bombe, celle du gouvernement espagnol de ce 18 mars 2022, considérant que l’initiative marocaine d’autonomie est la base du règlement du différend créé autour du Sahara, est un tournant historique.
Dans un message adressé hier au roi Mohammed VI, Pedro Sanchez, président du gouvernement espagnol, a souligné que «l’Espagne considère l’initiative marocaine d’autonomie, présentée en 2007, comme la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend» du conflit créé autour du Sahara. En précisant qu’il «reconnaît l’importance de la question du Sahara pour le Maroc», Pedro Sanchez a aussi exprimé son engagement à coopérer avec le Maroc, pays voisin, ami et allié stratégique, en vue «de garantir la stabilité et l’intégrité territoriale des deux pays».
Ce tournant est d’autant plus important que le Royaume d’Espagne n’est autre que l’ancienne puissance colonisatrice du Sahara, dont la décision courageuse pourrait entraîner dans son sillage bon nombre d’autres pays de l’Union européenne.
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En attendant, ce «revirement radical de la position espagnole», comme le qualifie déjà un média proche du pouvoir algérien, a eu l’effet d’un séisme dévastateur pour le Polisario. Le représentant de ce dernier en Espagne a ainsi considéré que Pedro Sanchez a «succombé au chantage» du Maroc qui aurait conditionné la «reprise des relations» entre les deux pays à la reconnaissance de l’initiative marocaine d’autonomie au Sahara.
Dans un communiqué diffusé dans la nuit de vendredi à samedi, la direction du Polisario a qualifié la position espagnole de «grave dérapage», car soutenant sans équivoque la position marocaine quant au règlement du conflit créé autour du Sahara, ajoutant que c’est le «chantage migratoire» du Maroc qui serait derrière la décision de Pedro Sanchez.
Encore groggy, Alger, qui croyait tenir l’Espagne sous sa coupe à travers son chantage au gaz naturel, n’a pas encore réagi officiellement à la nouvelle prise de position de Madrid sur le Sahara. Mais avec ce changement de cap espagnol, l’Algérie est aujourd’hui plus que jamais isolée sur le plan international, et surtout dans tout le pourtour méditerranéen et le Sahel, sur le dossier du Sahara.
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En plus de l’importante reconnaissance par les Etats-Unis de la marocanité du Sahara, décidée par le président républicain, Donald Trump, et confirmée par son successeur démocrate, Joe Biden, il faut également ajouter l’attitude positive des puissances européennes, comme la France et l’Allemagne, sur le dossier du Sahara marocain.
Sur le plan arabe, les six pays membres du Conseil de coopération du Golfe ne ratent aucune occasion pour réitérer leur soutien indéfectible à la marocanité du Sahara. Une position qui est similaire à celle de la Ligue des Etats arabes qui n’a jamais accepté que les séparatistes du Polisario aient droit de cité dans l’une de ses quelconques instances.
Mieux, le Conseil de la Ligue des Etats arabes, au niveau des ministres des Affaires étrangères, a infligé, mercredi 9 mars 2022 au Caire, une correction humiliante au régime algérien. Les Etats arabes ont, en effet, adopté une résolution qui dénonce l’armement par l’Iran d'éléments séparatistes du Polisario qui menacent la sécurité et la stabilité du Maroc. Cette même résolution souligne l’impératif de lutter contre l’enrôlement militaire des enfants dans les conflits armés, dans une allusion claire au Polisario et reconnaît la prééminence des accords de Skhirat comme référentiel pour le règlement du dossier libyen. Le représentant de la junte algérienne, Ramtane Lamamra, était resté sans voix après l’adoption de la résolution incluant trois points qui sonnaient à la fois comme une mise en garde et un désaveu du régime algérien.
Sur le plan strictement régional, et en plus du nouveau positionnement espagnol, il faut rappeler que la Mauritanie avait fait le choix le plus dur pour le Polisario et son parrain algérien, en novembre 2020. Le passage d’El Guerguerat, qui relie la pointe méridionale du Royaume à la Mauritanie est désormais un passage d’entrée interdit pour le Polisario aussi bien par les FAR que par l’armée mauritanienne.
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Fortement isolée sur le plan régional, voire assiégée de toutes parts, l’Algérie ne peut désormais plus compter que sur les soutiens d’une petite poignée de pays géographiquement très éloignés de la région, et dont les régimes sont embourbés dans une idéologie passéiste et ne connaissent rien à l’histoire ou à la géopolitique maghrébine, comme l’Afrique du Sud, la Namibie ou le Timor oriental.
D’ailleurs, l’Algérie a récemment mesuré combien elle est isolée dans l’affaire du Sahara quand Amar Belani, ce diplomate spécialement payé pour s’attaquer en permanence au Maroc, a tenté de forcer la main à plusieurs ambassadeurs accrédités à Alger. Invités à une réunion qu’il voulait être un débat sur le Sahara, mais qu’il projetait en réalité de présenter aux médias comme un soutien au Polisario, les diplomates n’ont finalement pas mordu à l’appât qui leur a été tendu. Ce fut un flop monumental, et seul l’ambassadeur sud-africain à Alger a répondu présent.
Il faut ajouter que fin février dernier, lors du prétendu anniversaire de la création de la fantomatique «RASD», Benbattouche, alias Brahim Ghali, n’a reçu qu’un seul message, celui d’Abdelmadjid Tebboune bien évidemment.
Dans leur livre Le déclassement français (éditions Michel Lafon, 2022), les auteurs, Christian Chesnot et Georges Malbrunot, citent un diplomate français qui affirme que «l’Algérie sombre dans une forme de syndrome nord-coréen… mais à 800 kilomètres de Marseille!». Avec le tournant historique de l’Espagne sur le dossier du Sahara, il faut s’attendre à ce que ce syndrome, qui isole déjà le régime algérien, soit porté à son point culminant.