Pedro Ignacio Altamirano, politologue et président du Groupe international de soutien à la réunification sahraouie, revient dans cet entretien avec Le360 sur l’affaire du maillot de la RS Berkane, portant la carte intégrale du Maroc. Pour l’auteur du livre «Sáhara Marroquí» (Sahara marocain, 2022, éd. Algorfa), la ritournelle de «la souveraineté» servie par les dirigeants algériens trahit leur méconnaissance du b.a. ba du droit constitutionnel et d’un principe westphalien clairement établi depuis 1648.
Le360 : Quelle est votre lecture de l’incident provoqué par le régime algérien à cause des maillots du club de la Renaissance sportive de Berkane (RSB), portant la carte complète du Maroc?
Pedro Ignacio Altamirano: Je pense parfois que l’Algérie croit être la seule à avoir droit à la pleine fraternité entre les États, alors que le Royaume du Maroc n’a droit à rien. C’est pourquoi tout ce que fait le Maroc sera toujours mal vu par le régime militaire algérien.
Le Royaume du Maroc est souverain et libre de faire à tout moment ce qu’il estime le mieux pour ses intérêts, comme le font tous les États, et les autres n’ont pas leur mot à dire sur ce que décident les Marocains, que ce soit en sport, en économie ou en souveraineté nationale. Cela dit, j’estime que le Maroc a eu le courage de réinventer l’expression de sa souveraineté et son intégrité territoriale, comme il l’entend et là où il l’entend. J’espère que l’Espagne jouera au football avec le maillot de Gibraltar.
«Ils oublient qu’ils n’existent pas, qu’ils sont une invention française pour diviser le sultanat du Maroc.»
— Pedro Ignacio Altamirano, politologue et président du Groupe international de soutien à la réunification sahraouie.
Les porte-voix du régime algérien disent ouvertement qu’il s’agit, pour eux, d’une affaire de souveraineté nationale? Pensez-vous qu’ils ignorent à ce point ce qu’est la souveraineté et ses éléments constitutifs ?
L’Algérie ne connaît ni la souveraineté ni ce qu’est un pays. Ils oublient qu’ils n’existent pas, qu’ils sont une invention française pour diviser le sultanat du Maroc. Ils n’ont ni histoire, ni processus historique constitutif, ni administration propre émanant du peuple, mais un artifice politique, administratif et social créé pour les intérêts français. Demander que le régime algérien reconnaisse des États, qu’il sache ce qu’est une constitution est donc une chose assez difficile, sinon impossible.
Bien qu’impliquée directement dans le différend autour du Sahara, l’Algérie a toujours affirmé le contraire. Cet incident n’est-il pas une énième preuve de son implication et le reflet de son hypocrisie ?
Pardonnez mon manque d’humilité, si je vous dis que la réponse à cette question est dans mon livre «Sahara marocain», qui m’a coûté cinq ans de recherches et de voyages dans les provinces du Sud du Maroc. En résumé, le démembrement du Sultanat du Maroc par la décolonisation française était conçu pour empêcher l’avènement du Grand Maroc. Et pas seulement via la création de l’Algérie, mais aussi celle de la Mauritanie.
«La France ne voulait pas que le Maroc récupère son territoire précolonial et devienne une puissance régionale.»
— Pedro Ignacio Altamirano, politologue et président du Groupe international de soutien à la réunification sahraouie.
La France ne voulait pas que le Maroc récupère son territoire précolonial et devienne une puissance régionale qui mettrait en péril l’influence française dans la région. Même quand l’Espagne était prête, en 1958, à rendre le Sahara occidental au Maroc, les Français s’y sont opposés et ont convaincu les militaires espagnols d’expulser le Mouvement de libération marocain du Sahara .
Tout a été fait pour nuire au Maroc. Même le mouvement armé du Polisario a été façonné depuis l’Algérie pour créer un conflit inventé de toutes pièces et séparer le Maroc de ses provinces du Sud, dans l’objectif de l’isoler et de l’affaiblir au profit de la France.
Mais la France s’est trompée: l’Algérie a suivi les thèses du panarabisme et du communisme soviétique et s’est retournée contre elle. Aujourd’hui, la France a été chassée du Sahel et a payé cher sa déloyauté à l’égard le Maroc et sa décolonisation injuste. Mais, je le répète, le sujet donnerait à écrire toute une thèse de doctorat.