Aâtimad Zahidi dit tout sur le "despotisme" au sein du PJD et du MUR

Aâtimad Zahidi, députée du PJD. 

Aâtimad Zahidi, députée du PJD.  . DR

Revue de presseKiosque360. C’est le MUR qui continue à faire la pluie et le beau temps au PJD. Au sein du parti, il n’y a pas de démocratie interne. Ce sont les mêmes personnes qui dirigent le parti, sont au Parlement, au gouvernement, à la tête des grandes villes, des régions et des communes...

Le 18/11/2020 à 19h47

Il n’y a pas de démocratie interne au sein du PJD. C’est le MUR (Mouvement unicité et réforme) qui choisit ses dirigeants et y contrôle le processus de prise de décision. Les membres du PJD qui ne passent pas par le MUR n’ont pas droit à la promotion interne. Ils font du surplace, au niveau organisationnel, et sont même appréhendés avec une certaine crainte. Autant dire qu’il existe un manque flagrant de confiance entre les membres du même parti, au moment où celui-ci insiste pour que ses relations avec le MUR restent floues. Ce sont les propos de l’ancienne députée et membre démissionnaire du Conseil national du PJD, Aâtimad Zahidi, qui vient d’accorder au quotidien Al Akhbar une longue interview parue dans son édition du jeudi 19 novembre.

Entrée très jeune au PJD, Aâtimad Zahidi était presque une enfant quand elle a poussé la porte du parti pour la première fois. Et aujourd’hui, après plus de 25 ans dans les rangs du parti de la Lampe, elle sait de quoi elle parle. Le PJD a beaucoup changé depuis sa création. Il a également connu beaucoup de crises, des séismes même, mais n’a jamais été un parti ouvert sur la société, soutient-elle. C’est certes un grand parti, grâce à l’appui du MUR qui en est l’incubateur et le mentor et qui continue à y faire la pluie et le beau temps, mais il n’a jamais été le parti de tous les Marocains. Ses structures internes, son organisation et son mode de fonctionnement font qu’il ne pourra jamais accueillir toute la diversité de la société marocaine sans courir un risque d’éclatement, souligne Aâtimad Zahidi dans cet entretien accordé à Al Akhbar.

Le parti continue de tirer sa force des ramifications et autres organisations satellites du MUR. Mais, si cela peut fonctionner un certain temps, ce ne pourra durer éternellement puisque les rapports ambigus avec le MUR empêchent son ouverture sur la société. La preuve de cette mainmise du MUR, c’est que la direction du parti est non seulement issue du mouvement, mais continue de lui appartenir d’une façon ou d’une autre. Cette interpénétration des deux organisations, le parti et le mouvement, est d’ailleurs derrière l’exploitation encore très marquée de la religion et du discours religieux dans la politique. Cette imbrication du politique et de la prédication est également l’un des facteurs de l’enfermement du parti sur lui-même.

Le PJD peut se dire «populaire» ou «parti du peuple», mais la réalité est autre. C’est une structure fermée sur elle-même. Preuve en est que ce sont ces mêmes personnes qui dirigent le parti qui se trouvent également au Parlement, au gouvernement et à la tête des conseils élus au niveau des communes, des grandes villes et des régions, notamment. Les électeurs ne choisissent pas les gens qui seront aux commandes de leurs communes, villes et régions. C’est le parti, et donc le MUR, qui les leur impose en désignant ceux qu’il veut comme tête de liste. Le PJD est devenu en fait une «marque», et le MUR exploite cette «marque commerciale» pour placer qui il où il veut. Et même cette supercherie qui veut que «les militants ne demandent pas la responsabilité, car c’est elle qui vient à eux », est juste un discours creux. La réalité est que ces responsables travaillent leur carrière politique au sein du MUR qui les impose ensuite aux militants de base du parti, affirme cette ancienne députée.

Autant dire que la démocratie interne, une autre chimère, n’existe donc pas au PJD. Sinon, comment expliquer que ce sont deux personnes, à savoir Benkirane et El Othmani, qui se sont relayées à la direction du parti durant les 25 ans de son existence, s’interroge-t-elle. Il n’y a pas que ces deux personnes au PJD. Plutôt que de parler de démocratie, Zahidi évoque une situation de despotisme au sein de son désormais ancien parti. Elle évoque également une autre problématique: le PJD, à force de diaboliser les autres formations, risque de subir un retour de manivelle. En politique, on peut certes essayer de construire sa force sur la faiblesse des autres, mais tant qu’on n’est pas encore au pouvoir. Une fois aux commandes, c’est par ses décisions et sa manière de gérer les affaires publiques et résoudre les problématiques de la société qu’un parti peut s’imposer.

Or, en matière de gestion des affaires publiques, le parti islamiste a fait beaucoup d’erreurs et a fait montre de faiblesse, montrant ainsi ses limites. L’ancien membre du Conseil national parle, en ce sens, d’un échec, mais un «échec relatif». Ce qui n’empêche pas que le PJD est en perte de popularité, d’autant qu’il vit une véritable crise. Une crise qui va s’aggraver l’année prochaine. De toutes les manières, assure-t-elle, l’électeur va dire son mot lors des prochaines élections et va sûrement demander des comptes au PJD. En fait, souligne-t-elle en parlant des élections, tous les partis doivent y participer, comme ils doivent s’activer sur la scène politique, avec force, parce qu’il existe certaines voix qui voudraient nous faire revenir au temps de la pensée et du parti uniques. On doit faire en sorte de redistribuer les cartes.

Par Amyne Asmlal
Le 18/11/2020 à 19h47