2026: rendez-vous en…septembre

Mustapha Sehimi.

Mustapha Sehimi.

ChroniqueEn 2026, le Maroc entre dans l’année de la véritable reddition des comptes. À l’horizon du scrutin législatif de septembre, le gouvernement, les partis et les institutions seront jugés à l’aune de leurs promesses tenues, de leurs angles morts… et de la capacité du système politique à répondre à une société de plus en plus exigeante.

Le 25/12/2025 à 16h10

Comment se présente la nouvelle année?

L’économie donne des signes de redressement, avec un taux de croissance estimé à 4,5% en 2025 et des prévisions avoisinant 4,2% en 2026. Elle demeure toutefois exposée à des fragilités structurelles et conjoncturelles. La stabilisation des prix se poursuit, tandis que le déficit budgétaire s’est creusé sous l’effet d’une pression accrue sur les finances publiques. Les échanges extérieurs se sont détériorés, avec un taux de couverture de 60% révélant une forte dépendance vis-à-vis des importations et une diversification encore limitée des exportations.

Du côté des secteurs productifs, plusieurs indicateurs sont bien orientés — notamment dans les industries manufacturières et le tourisme — mais ce tableau contrasté se heurte à une réalité sociale plus sombre: un chômage à 13,1% et des revenus des ménages sous tension. À grands traits, des progrès existent, ici et là, mais les disparités sociales et territoriales demeurent profondes.

Cette configuration prend une dimension particulière à la veille d’une échéance majeure: la reddition démocratique des comptes devant les citoyens, à l’occasion du scrutin législatif de septembre 2026.

Comment s’y prépare le pays?

Sur le plan institutionnel, il faut d’abord souligner la stabilité: le gouvernement Akhannouch, investi en octobre 2021, arrive au terme normal de son mandat — une constance qui contraste avec les turbulences observées dans la région et sur le continent. Reste la manière dont il a exercé le pouvoir: une gouvernance marquée par une approche technocratique et sectorielle, souvent déconnectée de la dimension politique, et pénalisée par une communication jugée insuffisante. Le cabinet s’est appuyé sur de grands chantiers sociaux — largement impulsés par des décisions royales — mais difficilement lisibles dans son programme initial.

«Le Chef du gouvernement cherche à s’ériger en «bon exécutant» des orientations royales, tout en marginalisant le rôle de ses alliés. »

—  Mustapha Sehimi

L’État social, déployé à travers de multiples mécanismes annoncés dès 2022, a connu des retards d’exécution avant d’être réorienté et recadré. Pourtant, le gouvernement disposait d’une large majorité parlementaire (RNI, PAM, PI) forte de 270 sièges. Cela ne s’est pas traduit pour autant par une forte impulsion politique. Le Parlement sortant a vu son rôle s’éroder, entre absentéisme récurrent — y compris ministériel — faible recours aux mécanismes de contrôle et rejet systématique des propositions de l’opposition. La demande d’une commission d’enquête sur la subvention de 12 milliards de dirhams accordée à des éleveurs en a été l’illustration. La capitalisation démocratique autour de l’institution législative reste donc limitée, ce qui n’augure pas d’un sursaut spontané de participation électorale. En 2021, le taux de participation de 50,2% tenait en partie au cumul de trois scrutins le même jour; tel ne sera pas le cas en 2026.

Dans ce contexte, la place des partis politiques demeure problématique. La nouvelle loi organique témoigne de la volonté de corriger leur faible ancrage social, mais son impact reste encore à mesurer. La défiance citoyenne se renforce, tandis qu’une politisation diffuse — hors cadres partisans et syndicaux — s’exprime de plus en plus sur les réseaux sociaux. Un espace parallèle s’est constitué, où la voix partisane peine à se faire entendre. Les partis sauront-ils s’y projeter réellement à l’approche du scrutin?

Autre évolution notable: la conduite des politiques publiques repose désormais de plus en plus sur des relais non partisans — fondations, autorités territoriales, programmes sociaux pilotés par le ministère de l’Intérieur — donnant à l’État une fonction quasi-providentielle. Cette configuration améliore l’efficacité opérationnelle, mais elle se fait au détriment de la visibilité des partis politiques et de leur capacité à porter — et à incarner — les réformes.

Dans ces conditions, quel bilan politique le gouvernement pourra-t-il revendiquer en campagne? Le Chef du gouvernement cherche à s’ériger en «bon exécutant» des orientations royales, tout en marginalisant le rôle de ses alliés. En évoquant déjà l’horizon 2030, il semble projeter l’idée d’une éventuelle reconduction pour un second mandat. Reste à savoir si cette ambition sera compatible avec une popularité fragile.

D’autant que plusieurs réformes majeures restent en suspens: code pénal, code du travail, et — surtout — la réforme de la Moudawana. Après débat national et arbitrage royal en 2024, le texte est finalisé, mais n’a pas encore été inscrit au calendrier législatif. Décision tactique? Prudence politique? Report à la prochaine législature?

Le Maroc dispose d’atouts indéniables: stabilité politique, continuité institutionnelle, maîtrise sécuritaire, absence de polarisation idéologique aiguë. Mais en parallèle, une tension sociale diffuse persiste, alimentée par la faible perception d’impact concret des réformes sur la vie quotidienne.

D’ici septembre prochain, bien des lignes pourront encore bouger. La question, au fond, reste entière: la prochaine échéance électorale viendra-t-elle renforcer la confiance politique — ou confirmer le fossé croissant entre institutions et société?

Par Mustapha Sehimi
Le 25/12/2025 à 16h10