Le Hirak ne faiblit pas. En dépit de toutes les manœuvres et intimidations du régime militaire, le peuple fait vibrer, chaque vendredi, le pays au son de slogans qui se radicalisent au fil des semaines.Ce 2 avril 2021 apporte un démenti aux porte-voix du pouvoir qui parient sur une lassitude du peuple. D’ailleurs, le peuple ne n’y trompe pas: il a brandi, ce vendredi, des pancartes pour stigmatiser «une presse honteuse».
Même si en Algérie, aucun chiffre n’a jamais été donné, ni par le pouvoir, ni par des sources indépendantes, sur le nombre exact ou estimé des manifestants qui descendent chaque vendredi dans la rue, les vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux parlent d’elles-mêmes. Les artères des principales villes du pays sont tout simplement toujours noires de monde.
Fidèle à son statut d’épicentre du Hirak, la capitale algérienne a été le théâtre d’une démonstration de force. En plus de la traditionnelle manifestation au centre-ville (Grande Poste), au milieu d’un imposant dispositif sécuritaire, une autre grosse manifestation a été organisée tout le long de la corniche d’Alger.
Les slogans appelant au départ du régime restent les plus scandés : «dawla madania, machi askaria, tahya el Djezair» (vive l’Algérie un Etat civil, non pas militaire), «Achaab yourid l’istiqlal» (le peuple veut l’indépendance), «Djezair hourra dimocratia» (Algérie libre et démocratique), «makach intikhabat maa El issabat» (pas d’élections avec les gangs), «Tebboune mzawar, jabouh el Askar» (Tebboune l’usurpateur a été placé par les militaires).
Les slogans à l’adresse des généraux ont été les plus fredonnés par les manifestants. «Stine sna faranssia ya oulad Bigeard/ Hbinaha Jazayrya dégage dédégae/mazal wakfine ya issaba ounjibou hak chouhadas/ Makan hbssouch, makan hbssouch» (Soixante années françaises, enfants de Bigeard/ Nous les (les soixantes années) voulons algériennes, dégage, dégage/ Hé la bande, nous sommes encore debout et nous obtiendrons réparation pour les martyrs de la guerre de libération/ On ne s’arrêtera jamais, on ne s'arrêtera jamais). Ou encore «had chaab la yourid hokm alaskar» (ce peuple ne veut pas d’un pouvoir militaire), «oulbareh maâ Toufik, désolé, désolé, kantou tbhou Lrachi inani, inani» (Hier avec Toufik, désolé, désolé, vous égorgiez les gens sans même chercher à vous cacher), «Moukhabat irhabya, tasqott almafia alaskaria» (services de renseignements terroristes. A bas la mafia militaire).
Certaines pancartes du Hirak se réfèrent aussi à la difficile situation économique dans laquelle le régime a plongé le pays, ce qui risque de faire grossir davantage les rangs de la contestation populaire durant les prochaines semaines.
Un avertissement que n’ont pas manqué de saisir les leaders les plus en vue du Hirak, à savoir Karim Tabbou, Mohcine Belabbas et Mustafa Bouchachi, pour appeler le régime actuel à accepter le plus rapidement possible la mise en place d’un pouvoir de transition.
A Alger, Tizi-Ouzou, Annaba, Oran, Constantine, Béjaïa, Bouira… les manifestants ont brandi les photos du juge Saadeddine Marzoug, qui doit passer par le conseil disciplinaire du Conseil de la magistrature ce 6 avril 2021 pour avoir mené le Hirak des juges contre le 5e mandat de Bouteflika. Enfin, Tizi Ouzou s’est démarquée par la présence en force des femmes en première ligne.
L’appel à une période de transition est aujourd’hui une revendication largement partagée par les grandes figures du Hirak. Le régime militaire acceptera-t-il de céder le pouvoir à un gouvernement civil de transition? Au regard de la fuite en avant des généraux, c’est peu probable.